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Gaya sur sa lune
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23 octobre 2008

L'âme du diable : 1er Décembre - II

Deuxième partie

Il s’aperçut que marcher le faisait faire énormément de bruit. Il s’aplatit contre un arbre et attendit. Après tout, elle finirait bien par venir à lui, alors autant éviter de prendre des risques inutiles.

Il était tendu et son index était légèrement posé sur la détente. Son cœur battait si fort qu’il était persuadé qu’on pouvait l’entendre à des kilomètres à la ronde. Il ne s’était jamais aperçut à quel point il était bon de l’entendre. S’il survivait, il se promit qu’il garderait une heure tous les jours pour l’écouter. Il tremblait. Bientôt, le coup partirait et il priait quand même pour qu’il atteigne sa cible.

Il entendit soudain des bruits de pas légers en face de lui. Il braqua son arme droit devant lui et attendit d’y voir plus clair. Un seul coup, se répétait-il. Il ne fallait pas le rater. Mais il avait beau plisser les yeux, il ne voyait personne, il faisait trop sombre. La peste soit cette fille ! Mais après tout, elle ne l’avait peut être pas encore repéré, comme il se trouvait dans un endroit sombre. Il misa sur cette hypothèse. Un grand bruit survint tout à coup un peu plus à gauche. Il détourna son arme, certain qu’elle était coincée mais le coup partit, sans qu’il le veuille vraiment. Il frissonna. Soit-il l’avait eue et l’avait tuée sur le coup, soit elle vivait encore et il était perdu. Il reçut alors un projectile en haut du front. Il ne put réprimer un petit cri. Ca y est, il était touché. Sa vie allait être aspirée. Il ne sentait déjà presque plus rien. Il vit une menue silhouette s’approcher. Il laissa la colère l’envahir. Il releva son arme. Clic. Mais c’était trop tard, il avait déjà tiré sa balle.

Comprenant enfin la triste situation dans laquelle il était empêtré, il se releva. Elle était déjà assez proche pour qu’il puisse voir ses traits. Si belle et si menue, avec une force qu’elle cachait habillement. Elle lui sourit.

-« Allons, ce n’est qu’un caillou. Tu es bien douillet. Je te croyais meilleur que ça. Tu m’attristes beaucoup. Aurais-je reçu mes enseignements d’un lâche ? »

Après avoir quitté son guide, Aline avait marché, bien déterminée, droit devant elle, ramassant au passage une grosse pierre. Elle avait déjà formé dans son esprit un plan qui l’amusait beaucoup. Elle trouva assez rapidement sa cible, de ses yeux habitués à travailler dans le noir. Il se cachait derrière un arbre, sans bouger, mais le reflet de la lune avait fait reluire le canon du pistolet et avait attiré son regard. Elle était cachée derrière un buisson et était en pleine inspection de l’endroit lorsqu’elle l’avait enfin trouvé. Elle remarqua aussi qu’il savait où elle se trouvait ; il avait du l’entendre arriver, lorsqu’elle avait marché sur une branche. Quand elle s’aperçut qu’il levait son bras vers elle, elle avait jeté le plus loin possible sur sa droite la grosse pierre. Il n’avait alors qu’une vision approximative de l’endroit où elle se trouvait. Le gros caillou atteignit le sol avec fracas et eu l’effet escompté. Il y tira sa balle dessus. Tout c’était déroulé selon son plan. Finalement, c’était plutôt facile de tuer un tueur ! Sans crainte, elle s’approcha alors de lui.

Quand elle fut à sa portée, il tenta de lui donner un coup de poing. Elle l’évita avec l’aisance d’un chat, d’un simple écart de coté de sa tête. Elle le fit tomber d’une balayette et d’une petite poussée. Voilà le résultat lorsqu’on privilégie la graisse aux muscles ! Quand il se fut relevé, elle avait disparu. Il tenta de fuir, mais elle réapparut alors. Avec quelques mouvements bien placés, elle le refit chuter et s’envola à nouveau. Il cria :

-« Arrête, tu ne comprends donc pas ? Aucun de nous ne sortira vivant ! Tu crois qu’ils vont t’embaucher lorsque tu m’auras tué ? Non, ils t’exécuteront aussi !

- Tu ne crois pas que c’est un peu facile de dire ça lorsque l’on a perdu ? Tes mensonges sont tes dernières armes, je comprends, mais s’il te plaît, pas de ça avec moi ! Je te connais trop bien pour y croire encore. Dis-moi, qu’est-ce que ça fait d’être exclu du jeu ? »

Richard ne répondit rien. Elle continua à le tourmenter encore et encore, tel un chat s’amusant avec un lézard qui aurait perdu sa queue, son seul moyen de s’échapper. Au bout d’une heure, Richard Holkes, n’en pouvant plus de fatigue et de désespoir, s’abaissa contre le tronc d’un arbre. Il tremblait et pleurait. Un petit déclic se fit entendre à coté de lui. Il tourna la tête. Elle était là, à quelques pas de lui. Cette fois, elle avait sorti son arme et le visait. Il sut que sa vie allait vraiment finir. Il n’avait même plus assez de forces pour faire non de la tête. Il ne souhait plus qu’une chose, une seule, la revoir sourire avant de mourir. Il scruta son visage. Elle sourit, et qui plus est sans même avoir eu besoin de lui demander. Un petit bruit étouffé. Il ne sentit rien. Sa vie s’échappa rapidement. Elle lui avait tiré dans le cou, brisant net la colonne vertébrale. La balla l’avait traversé et s’était figée dans le tronc de l’arbre.

Un frisson délicieux de liberté parcourut le corps de la jeune fille. Elle resta un long moment devant le cadavre a observé avec presque de l’étonnement. Comme à toutes ses victimes, elle s’accroupit et dit :

-« Adieu, cher Monsieur Holkes. Ce fut un honneur. »

Elle rangea l’arme qu’elle avait toujours à la main dans son long manteau et se saisit avec dégoût la cheville de sa victime. Elle aurait préféré le prendre par le col, pour sauver le peu d’estime qu’elle lui vouait encore, mais elle répugnait à toucher son sang. Elle considérait s’être assez salie pour aujourd’hui.

Elle tira le cadavre de son père jusqu’au petit chef. Il était lourd et elle avait du mal. Sa force se trouvait dans sa rapidité, non dans sa force physique. Elle y arriva cependant de par sa force de volonté. L’homme ne parut pas surpris de la voir revenir. Il ne posa pas de questions sur ce qui s’était passé, ni sur la cause de ce si long temps qu’elle avait mis. Il lui serra simplement la main, lui souhaitant la bienvenue dans sa nouvelle famille. Le corps fut jeté dans les eaux noires d’un lac à proximité.

On lui banda à nouveau les yeux pour le trajet de retour chez elle. Elle eut dans la voiture tout le temps de méditer sur son acte. Le petit homme lui donna un rendez-vous le surlendemain, dans un autre bar que celui de la veille tout en lui faisant quelques dernières recommandations qu’elle n’écouta pas. Jusqu’à la prochaine fois qu’on la contacterait, elle pouvait s’adonner à ses loisirs, sans avoir sur le dos son père. Avec l’héritage, elle récupérait la maison. Voilà déjà quelques temps que le vieux avait fait son testament ( on ne sait jamais dans le métier ! ) et il lui léguait tout ce qu’il avait, car il avait depuis longtemps rompu toute relation avec sa famille, il ne lui restait plus qu’elle. Il avait amassé depuis toutes ces années de sales boulots, une fortune considérable qui lui reviendrait, ainsi qu’une maison assez grande pour loger une nombreuse famille avec de la place pour chacun, à mi-chemin de la ville et de la campagne, un lieu isolé et tranquille. Une villa bâtie par un architecte reconnu.

Le lendemain, elle décida de mettre de l’ordre dans la maison. Elle dégagea l’allée des petits gravillons, et traîna toutes les affaires qui risquaient de la compromettre, elle où son père, et elles étaient nombreuses. Après la découverte de la disparition de son père, la police ne manquerait pas de débarquer, alors mieux valait les devancer. Il y avait des armes en tous genres, parfois si énormes qu’il lui fallut presque trois quarts d’heure pour les amener au camion devant le portail. Il était très rare que des véhicules passent par la route devant chez elle et elle le savait, c’est pour cela qu’elle n’hésita pas à faire son nettoyage en plein jour, car sa rue se terminait par un cul de sac. Cependant, elle trouvait cette tâche si ennuyante qu’elle espérait bien secrètement que quelqu’un passerait. Mais en règle générale, seuls des égarés en pleine nuit y pénétraient, mais en ressortaient assez vite.

En fin de journée, elle monta dans le camion dans lequel elle avait mis toutes ces affaires, y compris une petite moto qu’elle avait depuis qu’elle pouvait conduire. Elle avait mis un bonnet et des gants, avant de pénétrer dedans, car il s’agissait de ne pas laisser d’empreintes, au cas où. Il faisait plutôt froid ce jour là et personne ne s’étonnerait de sa tenue. Il était tard le soir. Elle fut rapidement arrêtée par une bande de police à moto, et pourtant pour une fois elle s’était évertuée avec succès de respecter le code de la route. Simple Alcootest. Ce n’était pas la première fois que ça lui arrivait. Vérification d’identité : la voilà qui se nomma Estelle Davis, 27 ans, chauffeur dans une entreprise de déménagement, née à Lille en 1978 et logeant actuellement dans le cinquième arrondissement de Paris.

-« Vous êtes loin de Paris ici mademoiselle.

- Je reviens de Mistague, pas loin d’ici, à cause d’un déménagement. Voici mon permis poids lourd. Je dois rentrer maintenant. Vous voyez bien que je n’ai pas bu. Puis je passer ? J’ai une famille qui m’attend et je dois lire une histoire à la petite.

- Certainement mais avant pourrions nous voir ce que vous transportez s’il vous plaît.

- Bien sûr ! »

Elle s’apprêta à sortir pour ouvrir, la main droite caressant son arme dans sa ceinture.

-« Inutile, vous pouvez passer. »

Elle le remercia d’un petit signe de la tête et passa. Elle avait bien failli se faire avoir. Elle n’avait pas eu peur, elle n’avait jamais peur, mais elle s’était apprêtée à chèrement se défendre. Elle comptait sur l’effet de surprise. Elle fut tout de même réconfortée de n’avoir pas eu à faire d’autres veuves, car elle n’en serait sûrement pas sortie sans verser de son propre sang. Cependant elle ressentait aussi une légère pointe de déception, une frustration de ne pas pouvoir jouer de la gâchette.

Elle continua sans rien laisser paraître de ses sentiments. Elle trouvait tous les policiers stupides de n’avoir jamais rien deviné d’elle. Elle trouvait tout aussi nuls ceux qui se faisaient arrêter par ses ennemis.

Il se fait tard et mon interlocutrice se tait. Le récit m’intrigue, même si je me demande comment elle peut avoir tous ces détails sur les sentiments de la jeune tueuse. Tant tous les cas, l’histoire n’est pas très éloignée de l’idée que je me faisais de cette femme. J’ai beau savoir qu’elle finira à la fin en prison, je me demande comment cela va se passer. Qu’est ce qui pourrait bien arriver à une femme sans faille comme elle ? Et dire qu’on l’avait libérée. Il faut espérer qu’on la tient quand même à l’œil !


-« Je suis fatiguée. Aline Holkes est toujours un mauvais souvenir pour moi et j’en ai assez de parler d’elle. Une autre fois, même demain si vous le pouvez. Aujourd’hui, parlons plutôt de vous. Comment se porte votre famille ? Votre père m’a souvent parlé de vous, vous savez. »


J’aimerai lui dire que c’est pareil pour moi mais ce n’est pas le cas, je n’avais jamais entendu parler d’elle avant la veille. Je sens que je ne tirerais plus grand chose d’autre d’elle aujourd’hui sur le sujet qui m’intéresse. Je me demande bien comment cette femme a pu connaître mes parents.


-« Ma famille va bien et je vais être une deuxième fois père. Ce sera une fille, prévue pour dans deux mois. Alors évidemment, à la maison, c’est la pagaille pour recevoir le bébé. Mais je ne m’en porte pas plus mal. Si vous avez des enfants, vous savez sûrement ce que c’est, Madame… ? »


Cela me fait bizarre d’étaler ma vie devant cette inconnue, mais bon, c’est une amie de mon père !


-« J’ai eu un fils, il y a longtemps, mais j’ai été séparé de lui. Mais si j’avais eu une fille, je crois que je l’aurais appelé Alice.

- Pourquoi ?

- Parce qu’elle aura peut être la chance de visiter le pays des merveilles. J’adore cette histoire. Surtout lorsqu’on est dans le milieu carcéral, comme moi, les contes sont une façon de s’évader de la dureté des clients. Qu’en pensez-vous ?

- Que justement, si l’histoire est bien, les autres enfants ne sont pas toujours des anges et ils pourraient se moquer d’elle. Les gamins sont les rois des sobriquets ridicules.

- Plus personne ne se souvient d’Alice au pays des merveilles, de toute façon. »


Il est temps de nous quitter. Comme je veux savoir la suite, je lui donne un nouveau rendez-vous pour le lendemain.


-« Si vous le voulez, venez plutôt chez moi, ce sera peut être mieux pour parler ! Je ne pense pas que Céline posera de problème. »


Elle me répond gentiment mais d’un ton qui ne me permet pas d’insister qu’elle préfère plutôt un parc public. Comme si j’allais l’agresser ! Cependant, je crois que ce n’était pas la raison de son refus. Elle semblait avoir peur de quelque chose.


-« Vous n’avez pas un téléphone où je pourrais vous joindre ? Ce serait plus simple, non ?

- Je suis désolée, je n’en ai pas. Votre père sait où me trouver si vous avez un problème. »

Je lui souhaite le bonsoir et m’en vais, puisqu’elle ne montre aucune intention de se lever. Je sens son regard dans mon dos et ça m’embête. Cette femme semble étrange et ne m’inspire aucune confiance. Pourquoi tant de secret sur son identité ? Après tout, il semblerait que c’est une amie de la famille, mais pourquoi alors ne l’ai-je jamais vue auparavant. Probablement habitait-elle à Paris, puisque c’est là bas qu’était incarcérée Aline Holkes, mais rien ne l’empêchait de venir nous voir de temps en temps. Après tout, ma tante aussi habitait à Paris, mais elle venait souvent quand j’étais petit. On prenait le TGV au moins un week-end par mois pour aller la voir. Je crois que mon père y allait souvent pour le travail, pour aider la police de Paris, car il me déposait chez Lalie le matin et ne rentrait que le soir, pendant le samedi et le dimanche.

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