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Gaya sur sa lune
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12 octobre 2008

Le roi de Mycènes : XXI

Je continue de l’appeler de plus belle, mais plus je crie, plus ils se rapprochent et plus ils se rapprochent, plus je crie. L’un des soldats m’attrape le bras et me secoue.


-« La pâle lumière de l’aube m’éblouit. Neaira à mon chevet me regarde avec anxiété. Elle touche mon front qui me paraît brûlant mais sa main me semble chaude aussi.


-« Il n’a pas de fièvre, sans doute n’a-t-il fait qu’un cauchemar ! »


Cela est assez étrange d’entendre parler de soi comme si on n’était pas là ! Ma belle s’adressait au marchand. En tout cas, j’adore le ‘’il n’a fait qu’un cauchemar’’ : n’est ce pas suffisant ? On voit que ce n’est pas elle qui l’a fait ! Enfin, j’admets que la fièvre aurait été bien pire.


-« Où sommes-nous ?

-Nous arrivons au carrefour… »


Stavros n’a pas besoin de m’en dire plus ; je comprends très bien de quoi il veut parler. Je me lève complètement. Oui, c’est bien là ! Je reconnais la rangée d’arbres qui borde un chemin difficile à suivre à cause des hautes herbes et des arbres qui commencent à pousser dessus. Je me sens attiré en avant mais je me souviens de mon rêve.


-« Il serait plus prudent de ne pas prendre la route et de passer plutôt par la forêt !

-Moi je veux bien, mais ma roulotte ne passera pas entre les arbres ! Ce sera déjà une chance si on peut la guider sur ce chemin ! »


Je dois me rendre à l’évidence : il a raison. Je suis bien obligé de céder. Il fait repartir les bœufs, sous le regard étonné de Neaira, à qui je n’ai toujours rien dit de mon passé.


-« Mais Achilloüs, c’est là bas le village maudit, n’est-ce pas ? »


Je lui souris mais elle perçoit quand même mon malaise. Je ne veux pas encore lui parler de moi, je ne veux pas encore lui révéler mon passé.


-« Oui.

-Eh bien, je ne me doutais pas que notre situation était aussi critique ! Il faut dire que l’on ne m’a pas raconté grand chose de notre voyage…

-N’était-ce pas toi qui rêvais de découvrir le secret du village ? »


Elle me regarde étrangement, scrutant le fin fond de mon regard. Je détourne les yeux mais il est trop tard, elle a compris.


-« C’est toi, n’est-ce pas ? »


Je fais celui qui n’a rien entendu. Pourvu qu’elle lâche mon passé et qu’elle abandonne toutes ces questions qu’elle doit avoir sur le bout de la langue !


-« L’enfant de la prophé…

-Oui ! »


Ma réponse est partie toute seule, je ne voulais pas quelle finisse son mot.


-« Dis-moi ce qui s’est passé… Libère-toi de tout ça… Raconte-moi ton histoire, pour ton propre bien. Je vois combien tout ça te torture !

-Non, pas maintenant, pas encore. Tu sauras tout, je te le promets, mais pas ici. »


J’aimerais lui parler, mais je n’ai pas le courage de tout lui dévoiler. Je n’ai rien oublié, mais aucun mot ne peut raconter ma vie.


-« Je ne peux pas encore en parler, les souvenirs de ce jour au combien maudit me font encore trop souffrir. C’est une blessure intime que je ne peux pas guérir sur les routes.


Elle se lève. Son regard dit clairement ce que ses lèvres ne prononcent pas : « tu as tort ! ». Elle va s’asseoir plus loin. Oh Neaira, ce n’est pas parce que je ne peux pas te parler que je n’ai pas besoin de toi ! Mais elle me laisse désormais isolé face à mes angoisses.


J’aimerais que l’on aille plus vite, mais d’un autre côté, j’ai aussi envie de retourner en arrière, de m’en aller de cet endroit de souffrance. La première fois que j’avais emprunté ce chemin, mon village venait de connaître une hécatombe, la seconde fois, mon grand-père avait été emporté par la mort. Qui périra, cette fois ? Moi enfin ou mes amis ? On arrive enfin au dernier virage.


-« Attend !

-Quoi ? »


Je vais vers Stavros qui a arrêté le convoi sur ma demande.


-« Il vaut mieux maintenant aller par la forêt, même si c’est difficile. Il pourrait y avoir des soldats au village qui nous tendent une embuscade ! S’ils ont foi dans leurs superstitions, les plus courageux d’entre eux iront nécessairement ici. Cette fois, si on est pris, on ne pourra invoquer aucune excuse ! »


On pousse alors la maison ambulante du marchand hors de la route. C’est encore plus difficile que je ne l’avais prévu. Il se trouve des branches et des racines de tous côtés pour nous compliquer la tâche et nous faire trébucher. On arrive cependant à s’éloigner toujours plus loin du chemin qui disparaît peu à peu. Lorsque la nuit tombe, je juge que l’on est assez bien dissimulé. On s’arrête alors, tous plus épuisés les uns que les autres.


Je respire à pleins poumons : je suis chez moi ici ! Cette forêt est mon enfance et je désire qu’elle soit aussi ma vieillesse ! Je l’ai abandonnée depuis bien trop longtemps à mon goût et c’est bien le moment d’y revenir. Je suis fatigué maintenant, mais demain, sous un nouveau soleil de Phoebus, je reprendrai possession de ma terre. Pourtant ce n’est pas elle qui m’appartient, c’est moi qui suis à elle. Cette forêt est mon royaume et je suis son serviteur. J’ai envie de lui dire que c’est moi, que je suis revenu, mais je ne sais pas parler aux arbres, ni aux ruisseaux, ni à la terre, ni à la pierre. Alors je laisse échapper dans un murmure, les yeux posé sur mon domaine :


-« C’est moi, je suis revenu. »


Une petite brise emporte mes paroles pour informer mon bois. J’ai l’impression que toute cette nature et tous ces animaux qui m’entourent savent que je suis de retour…



Demain est un nouveau jour : voilà qui est bien vrai ! Une fine pluie cache le ciel mais il en faudra plus pour m’arrêter. Aujourd’hui, je veux aller au village et ce n’est pas un peu d’eau qui m’en empêchera ! Neaira veut me suivre mais je le lui interdis. Ce serait malin, tien, si elle tombait malade dans son état ! Elle n’insiste pas : tant mieux. Je me sens à nouveau l’âme d’un chasseur.


Je cours vers le village. Je me sens à nouveau léger, j’ai l’impression d’être revenu huit ans en arrière, lorsque j’étais encore le petit garçon insouciant et plein de rêves, la tête toujours dans la lune. Cet enfant est-il toujours là ? Oui et non, je dirais.


Je retrouve les ruines de mon village : il y a des mauvaises herbes et des ronces de partout. Un arbre a poussé au milieu des maisons, sur la grande place centrale où l’on célébrait les unions. Me souvenant de mon rêve, je n’ose pas trop m’approcher. Il vaut mieux que je reste sur butte qui surplombe tout ce tas de pierres qui fut mon enfance. Tout ce que je peux dire de cet arbre, pour le moment, c’est qu’il a un tronc étonnamment tordu et noueux.


Il s’est arrêté de pleuvoir. Je rentre au camp, mes amis pourraient s’inquiéter. Je les retrouve tous les deux en train de s’attabler !


-« Je t’avais bien dit que ça le ferait venir ! Un gaillard comme ça, c’est comme un chien : difficile à retenir mais qui revient toujours poussé par les gémissements de son ventre. Alors, et toi, qu’as-tu trouvé ?

-Je suis allé au village. Je doute que des soldats y soient mais je ne suis pas descendu vérifier… C’est quand même bon de se sentir chez soi ! »


Je prends le bol que je me tends le marchand et bois.


-« Bientôt, lorsque je me serais fabriqué un nouvel arc, ce ne sera plus cette bouillie, mais de la viande, que vous mangerez ! Du véritable gibier ! »


Stavros se frappe le front de sa main droite.


-« J’allais encore oublier… C’est moi qui ai ton arme, fiston ! »


Il monte dans sa roulotte, fouille son coffre et en sort l’arme fétiche du chasseur que je suis, accompagné de mon carquois de flèches. Voilà donc où se trouvait le seul souvenir que mon père m’avait légué ! La corde n’est pas tendue, mais j’y remédie rapidement. C’est étrange comme l’arc semble petit, maintenant ! Mais je sais que c’est moi qui ai grandi, seulement, je ne m’étais pas encore rendu compte à quel point !


Je serre Stavros contre moi. J’ai l’impression d’être l’homme le plus heureux qui puisse exister sur cette terre ! C’est vrai, après tout, j’ai de nouveau l’arc qui fait de moi un véritable chasseur et j’ai avec moi la femme que j’aime et mon meilleur ami… Sans oublier Horus qui me pousse de sa truffe humide pour que je fasse attention à lui. J’avoue qu’à ce moment, ce n’est pas cette énorme boule de poils que je souhaiterais tenir dans mes bras, mais plutôt ce drôle et ravissant petit corps qui se cache sous cette fine tunique de femme bleue. Je me surprends à la déshabiller du regard. J’espère qu’elle ne m’a pas vu le faire, il ne manquerait plus que ça pour me couvrir de honte !


L’après-midi, on s’active pour la construction de ma future demeure à moi et Neaira. Pour le moment, ce n’est encore qu’un abri de bois, de feuilles et de boue séchée, mais bientôt ce sera l’avant-garde des Champs Elysées ! Je ne sais pas encore bien comment ça va être, mais ce sera génial ! Après tout, ne suis-je pas arrière-petit-fils de bûcheron ? Soit, je ne l’ai jamais connu, mais construire des cabanes, c’est une chose que l’on se souvient même après plusieurs générations ! Enfin je n’aurais pas dit non si mon père m’avait montré comment faire lorsque j’étais plus jeune !


Il commence à se faire tard. J’entraîne Neaira à l’écart. Stavros dort déjà. Je l’allonge par terre et m’allonge à côté d’elle, comme on le faisait le soir lorsque l’on était sur les routes avec les autres marchands. Je me sens prêt, mais c’est encore difficile.


-« Je vais te raconter la véritable histoire. »


Elle me regarde, à l’écoute de la suite. Je ne peux plus reculer, maintenant. Il faut commencer par le début. « On chassait quand c’est arrivé » ? Non, c’est nul. Oh et puis zut !


-« On chassait quand ils sont arrivés. On les a pris par surprise et ils ont simulé la fuite. Ils sont revenus lorsqu’on avait tous déposé les armes, ils ont massacré et brûlé tout. Ils se sont amusés avec moi puis ils m’ont laissé pour mort. Mon grand-père, qui s’exilait souvent dans la forêt, a lui aussi été épargné. Il m’a recueilli, il a rendu les hommages funèbres aux morts. Je suis parti à sa mort, après avoir fait son corps se consumer par les flammes. »


Elle a l’air déçue, car il n’y a rien d’héroïque ni rien de mystérieux. C’est vrai qu’à la place de grand-père, j’aurais pu dire un vieillard solitaire vivant au plus profond des bois, mais je lui avais promis la vérité. Elle semble quand même contente que je lui aie dévoilé cette partie de moi.


-« Maintenant c’est à toi de me donner ton histoire ! »


Elle réfléchit un moment.


-« Mon père voulait un fils pour lui succéder et il a eu une fille sur les bras. Ma mère est morte en me mettant au monde. Mon père ne supportait plus qu’on prononce mon nom, mais ma vie a sinon été plutôt monotone ! »


C’est tout à fait ça : moi je veux une vie tranquille alors qu’elle voudrait plutôt une existence mouvementée ! Cette forêt est une nouvelle aventure pour elle, alors que pour moi, c’est ma vie rêvée ! Cet endroit est le seul compromis qu’il puisse y avoir entre nous.



Voilà bientôt une nouvelle lune que l’on est ici. La maison est finie. Ce n’est pas la demeure magnifique que j’avais escomptée, mais ce n’est pas mal non plus, pour une première fois. Tant que ça ne nous tombe pas sur la tête ! C’est amplement suffisant pour Neaira et moi, bien que j’aimerais faire plus pour elle !


Stavros s’apprête à partir à la recherche de ma mère. Je me sens coupable de ne pas pouvoir aller avec lui, mais je n’ai plus vraiment le choix. Neaira est là aussi et je dois la protéger.


Je confie au marchand toutes les peaux que j’ai dépecées depuis que je suis revenu : peut-être cela l’aidera à la récupérer en les échangeant contre ma mère, bien que cela me surprendrait assez. Il me demande de ne pas me faire du soucis pour lui, mais c’est plus fort que moi. C’est quand même mon ami et c’est quand même ma mère dont il s’agit ! Mais enfin, peut-être qu’entre marchands, ils se comprendront mieux et trouveront une entente plus facilement.


Je regarde la roulotte s’éloigner de plus en plus pour disparaître.


-« Et voilà partis le marchand et son chien.

-Oui, mais je n’ai toujours pas compris pourquoi c’était si urgent ! Tu lui as demandé de faire quoi ? »


Comme d’habitude, je me défile, invoquant la première excuse que je trouve.


-« Je t’expliquerai ça plus tard, il faut que j’aille chasser si l’on veut avoir quelque chose d’autre pour le déjeuner que le lait de la chèvre qu’il nous a laissé. »


Elle pousse un profond soupir en secouant la tête. Je crois que mon attitude défensive et réservée l’agace. Je prends rapidement mon arc et me plonge dans la forêt. Ma chance m’étonne moi-même car je tire tout de suite un lapin. Je n’ai pourtant pas envie de rentrer tout de suite. Elle va me demander des explications et je ne veux pas encore les lui donner, parce que ses envies de suicide n’ont peut-être pas encore totalement disparues. Je vais aux ruines. En les revoyant, l’envie de les approcher encore plus est si grande que je succombe à la tentation, après m’être assuré que je ne voyais personne. Je remonte l’allée principale jusqu’au centre du village ou se trouve la place des cérémonies et où le jeune arbre a poussé. Ses feuilles sont toutes vertes et son tronc est tout noueux et tordu. Je sais que j’en ai déjà vu de pareils mais impossible d’y mettre un nom dessus. Il semble vieux et pourtant je sais qu’il est récent.


Il faudrait que je rentre, désormais : Le char de Phoebus arrivera bientôt au zénith et Neaira pourrait s’inquiéter de mon absence prolongée.


Je suis juste à côté de notre maison lorsque j’entends un cri. J’accours le plus vite possible : pourquoi a-t-elle appelé ? Pourquoi tout ce que je fais tourne-t-il mal ? Jamais je n’aurais dû aller jusqu’au village !


J’entre dans la cabane précipitamment.


-« Laissez-la tranquille ! »


Neaira est seule, je ne comprends pas. Je regarde à gauche, à droite et sous le toit, au cas où quelqu’un s’apprêterait à me tomber dessus, mais il n’y a rien ni personne. Je regarde à nouveau la jeune fille qui désigne le sol du doigt. C’est là que j’aperçois la cause de sa frayeur : un serpent ondule vers elle. J’en souris tellement c’est bête. Je prends le reptile et l’emmène dehors.


-« Tu ne crains pas de te faire mordre ? Son venin n’est-il pas dangereux à celui-là ?

-Ce n’est qu’une couleuvre, Neaira ! Ce n’est pas empoisonné. Celle-là cherche un endroit pour pondre ses œufs, mais à part ça, c’est très bon grillé ! »


La gêneuse dehors, je pose ma chasse sur la table que j’avais construite avec Stavros. Ma belle s’est assise par terre, la tête sur les genoux. La peur, sans doute.


-« Tu n’as plus rien à craindre tu sais, je suis là… »


Ce que je dis ne semble pas la réconforter. Que faire ?


-« Que se passe-t-il ? Tu ne te sens pas bien ? Qu’as-tu tout à coup ? »


Elle fait un gros effort pour relever la tête et finit par la laisser retomber en arrière, contre le mur, le tapant légèrement et pourtant si lourdement, sur lequel elle s’appuie.


-« Je me sens vidée… C’est comme si ma tête voulait s’envoler. Je ne comprends pas ce qui m’arrive. »


Comme je ne sais pas quoi faire, je reste planté devant elle, les bras ballant le long du corps, priant pour que ce ne soit pas grave et qu’elle s’en sorte.


-« Je crois que c’est passé. Aide-moi à me lever s’il te plaît ! »


Je lui tends la main qu’elle saisit de ses longs doigts fins. Je la tire lentement debout. J’aimerais être doux avec elle, doux et fort, comme un protecteur, mais j’ai l’impression de n’être qu’une brute ! Ne pas savoir que faire… être impuissant, c’est si frustrant !


Parfois j’ai tendance à oublier l’homme de corps et d’esprit que je suis pour redevenir le petit garçon stupide et gentillet, faible et minuscule que j’étais. C’est si simple d’être enfant ! On est trop jeune pour comprendre, ce n’est pas de notre faute, on est pardonné ! Mais lorsqu’on se sent homme, chaque faute semble être jugée. Les autres montrent des regards désagréables et toujours à l’affût sur vos faits et gestes ! C’est cette dernière vision qui est la pire de toute, celle que l’on appelle l’estime de soi.


-« C’est sûrement à cause du bébé que j’ai eu ce malaise. »


Oui, c’est cela ! Mais même si la faute en revient à cet enfant, je ne peux m’empêcher de me sentir coupable de n’avoir rien pu faire. Après tout, je suis responsable d’elle depuis que je l’ai enlevée ! C’est moi qui l’ai entraînée dans cette histoire et c’est moi qui devrais la sauver, mais j’ai jusqu’alors, seulement eu l’impression de jouer le décor ! Pour lui redonner des forces, je me mets à cuisiner mon lapin, mais l’odeur de la viande qui cuit la révulse. Elle préfère manger des baies. Je n’ose pas lui dire que tuer un animal pour rien, ce n’est pas bien, tant je suis content qu’elle désire quand même manger quelque chose.


Je l’emmène avec moi pour qu’elle puisse en ramasser directement du buisson : c’est tellement meilleur de les manger de l’arbre ! Ensuite, je la force quand même un peu à prendre du lapin, car les fruits, c’est bon pour les moineaux, mais les êtres humains ont besoin de choses plus consistantes et les femmes enceintes plus que les autres.



L’instant que je préfère malgré tout, c’est le coucher. Il fait beau ce soir, alors ce sera sous les étoiles. Je lui parlerai d’Orion, des deux ourses et de tant d’autres constellations. J’attends qu’elle ait finit de manger puis je la prends dans mes bras.


-« Allez, maintenant au lit ma reine ! Il est bien tard pour une jeune fille de traîner dehors à cette heure ci !


Je l’emmène vers notre petit cabanon et la dépose devant le petit feu que j’avais allumé pour cuire le lapin. A ce moment, pris par quelque passion venue de l’intérieur, je l’embrasse et la serre dans mes bras. Je voudrais l’étouffer d’amour ! Peu importe le temps qui passe, tant que je suis avec elle ! Je la couche par terre et m’étends à côté d’elle. Elle se tourne alors vers moi.


-« Je n’ai toujours pas compris pourquoi Stavros est parti si tôt ! Il semblait avoir quelque chose à faire – pour toi – mais tu ne m’as toujours pas révélé ce que c’était !


C’est ce qui s’appelle retourner brusquement dans la réalité ! Maintenant, il faut lui dire.


-« Iorlas, avant de mourir, m’a révélé que ma mère appartient à un certain Onopiris. Stavros est parti la lui récupérer. C’est étonnant, plus je sais que je vais bientôt la revoir, plus j’ai hâte de la revoir ! »


Neaira avait froncé les sourcils en entendant le nom du marchand.


-« Tu le connais ?

-Peut-être, ce nom me dit quelque chose ! »


Elle semble réfléchir et je la laisse faire : peut-être pourra-t-elle m’apprendre quelque chose sur cet esclavagiste que je ne peux m’empêcher de haïr. Au bout d’un moment, je la questionne à nouveau :


-« Qui est-il ? »


Elle me regarde et se force à sourire :


-« Je suis désolée, je ne me souviens plus ! »


Je sens bien qu’elle me ment, mais je ne peux pas la forcer à parler. Elle semble troublée. Je regarde les étoiles. De toute manière, quoi qu’elle dise, cela ne me servirait à rien, alors !


Depuis toutes ces années que j’observe la nuit, les astres sont toujours aux même places. Cet infini me fait un peu peur : il donne l’impression que l’on n’est rien du tout. C’est terrible de se dire que notre vie ne sert à rien et que le monde serait le même si l’on avait pas existé ! C’est comme si les étoiles nous observaient vivre et mourir, comme des anciens qui regardent les jeunes de leur banc en commentant les évolutions de chacun du village. Cependant cet infini est rassurant aussi. C’est comme une présence supérieure qui veille sur nous. Je me sens tiré dans le sommeil. Je ne suis plus éveillé mais pas encore endormi…


-« Il faut que je te dise quelque chose, c’est très important ! Je ne comprends pas ce que ça signifie, mais je dois te le dire ! »

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