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Gaya sur sa lune
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25 octobre 2008

L'âme du diable : 3 décembre

3 Décembre

Lorsqu’elle reprit son récit cette fois là, elle semblait bien plus à même de se livrer que les deux jours précédents.

-« Mademoiselle Holkes ! Vous êtes priée de monter immédiatement. »

Le commissaire venait de sortir la tête de son bureau. Que pouvait-il lui vouloir ? Avait-il vu son retard, finalement ? Ce n’était jamais bon signe d’être convoqué. Avait-il eut des renseignements sur sa position de taupe ? Etait-elle déjà sous les soupçons du nouvel arrivant ? Tous ses collègues lui souhaitèrent bonne chance et lui tapotèrent l’épaule à son passage. Elle scruta le regard de Lélia. Elle était aussi déconcertée qu’elle. Aline vérifia rapidement son arme, lorsque la jeune femme eut détourné le regard, au cas où. Elle monta les marches de l’escalier qui montait au bureau du commissaire. Elle n’avait pas peur, mais elle se posait des questions sur ce qui allait arriver. La prudence est mère de sûreté.

Elle frappa à la porte qui avait été refermée et entra sans attendre de réponses. Une petite surprise, aussi minime soit – elle, pouvait parfois sauver la vie. Peut être surprendrait-elle un petit bout de conversation. Trugeot était assis à sa place, derrière sont bureau. L’autre était en face de lui, détendu, les jambes étendues et croisées.

-« Ah, mademoiselle ! Voici l’inspecteur Etienne. Vous serez sa coéquipière et vous lui servirez de guide car il ne connaît pas encore notre charmante ville. Vous pouvez disposer, je ne voulais que vous dire ça. »

Aline ressortit du bureau encore plus songeuse qu’à son entrée, ayant accepté son rôle de guide. Au fond d’elle-même, elle était très perturbée. Pourquoi elle ? N’étaient-ils pas assez dans ce commissariat pour que ce soit justement elle qui obtienne ce poste ? Et puis un gardien de la paix n’aurait-il pas suffit ? Non, ils devaient avoir des doutes sur elle… Ils avaient sûrement mis à bas sa couverture… Elle devait se tenir à l’écart… Au moins quelque temps, histoire d’y voir plus clair dans cette affaire… Elle devrait plus se méfier à l’avenir.

Cependant, BZ ne serait pas content. Il ne la haussera jamais au niveau qu’elle mérite si elle abandonne. Elle ne pouvait pas arrêter avant même d’avoir commencé. Et puis, était-elle lâche ? Non, elle continuerait. Ce dernier argument la décida à continuer.

-« Alors, qu’est ce qu’il t’a dit ? Que s’est il passé ? C’était rapide comme convocation !

-Il m’a demandé d’empêcher le nouveau de se perdre dans la rue. Je vais simplement jouer la baby-sitter. C’est tout.

-Mais on ne pourra plus patrouiller ensemble, alors ! Qui ça va être alors, mon nouveau coéquipier ?

-Bertrand. Il est tout seul alors tu seras avec lui. Il est pas mal non plus. Au moins, avec lui, tu apprendras plein de choses sur le métier de policier ! »

Aline désigna Albert Bertrand, un inspecteur de quelque trente ans d’ancienneté. Il était toujours d’humeur exécrable et se plaignait tout le temps de son ‘’imbécile de femme’’ qui l’a quitté il y a vingt ans de ça. Il avait une grosse cicatrice sur la joue et s’énervait après un stylo cassé. Lélia eu un soupir de pitié, puis de dégoût en pensant qu’elle allait être sa coéquipière.

-« Quelle horreur ! On a le droit de prendre des congés maladies. Il ne s’apercevra pas que j’ai menti. Je ne peux pas aller avec lui. Il va faire fuir tout le monde, moi la première ! J’ai une réputation à tenir. Il ne peut pas me mettre avec lui ! Je démissionne immédiatement. Regarde, il ne sait pas se servir d’un crayon. Il faut que tu m’aides. Tu ne peux pas me laisser avec ça ! »

Aline éclata de rire.

-« Pour que le commissaire échange nos rôles ! Sûrement pas ! De toute façon je plaisantais. Tu ne seras que privée de coéquipière le temps que je fasse la halte-garderie.

-Alors si vous n’y voyez pas d’inconvénients, Tantine, il faudra que vous veniez avec moi, car vous savez combien la route est dangereuse ! »

M. Etienne était arrivé sans faire de bruit et avait entendu à peut près toute la conversation des deux filles. La dernière remarque surtout lui avait bien plût. C’était maintenant à Lélia de rire et à son amie de rougir. Elle suivit le jeune homme dehors, sous l’hilarité de sa collègue. Il se mit au volant d’une des voitures de service.

-« Je ne vais faire qu’un tour rapide de la ville. Je vous prends avec moi car j’ai peur de ne plus être capable de revenir. J’ai un plan de la ville, je ne devrais donc pas avoir de problèmes. Par contre, j’ai des soucis de transport. Je voudrais savoir ; ça ne vous dérangerait pas de venir me chercher et me ramener chez moi. Je n’ai pas de véhicule. A pied, ça fait un peu loin. A condition que cela ne vous fasse pas faire un trop long détour, bien entendu.

-Vous logez où ? »

Il sourit. Il lui donna son adresse puis la lui dicta pendant qu’elle écrivait pour qu’elle s’en souvienne.

-« Et vous, vous logez où, si ce n’est pas indiscret.

-C’est indiscret. »

Elle s’amusait à voir sa mine défaite. Il ne s’attendait apparemment pas à cette réponse. Elle lui sourit, et pour la première fois, elle ne faisait pas semblant.

-« J’habite assez loin. Sans voiture, vous aurez du mal à vous y rendre. »

Arrêtés à un feu rouge, elle griffonna son domicile sur un petit bout de papier qu’elle avait sorti d’un petit calepin. En lisant, Eric fronça les sourcils.

-« Je connais cette adresse. Ca y est, j’y suis ! C’était la demeure d’un certain Monsieur Holkes, arrêté une fois pour vente de stupéfiant… Non, il était seulement soupçonné, on n'a jamais eu de preuves. On pensait aussi qu’il avait assassiné un certain Martin. Aurait-il déménagé ? Qu’est ce que c’est, votre nom, déjà ? »

Aline souriait. Elle se souvenait très bien d’Alphonse Martin. Elle l’avait tué dans sa salle de bain. Elle était entrée chez lui. On lui avait donné un pistolet avec des balles minuscules. Une balle dans la tête, à travers la serrure, qui ne l’a même pas éraflée. Il faut dire que c’était une serrure à l’ancienne, qui devait s’ouvrir avec une grosse clef. Etrange, pour une salle de bain ! Ca ne lui a pas porté chance. Il était tranquillement couché dans sa baignoire. Un repos qui s’éternise…

-« Holkes, Aline Holkes. Vous êtes sa fille, sa nièce ? Il n’était pourtant pas marié. Remarquez, je n’étais pas dans sa vie. Vous connaissiez ses activités ?

-Sa fille adoptive. Non. Je ne m’y intéressais pas, je ne voulais pas admettre la vérité. Je préférais ignorer tout. Le voir comme un père et non comme un criminel. Personne n’a jamais eu de preuves contre lui. Pour moi il est donc innocent.

-Je comprends. »

Il se passa un long moment. Elle se dit qu’il devait avoir des doutes. Que pouvait-elle lui dire pour l’empêcher de faire des conjectures ? Plus le mensonge est gros, plus ce serait amusant, mais que lui raconter ?

-« Vous avez l’air de connaître pas mal de choses sur mon père, plus que je pourrais le prétendre, en tout cas. Dites-m’en plus.

-Je ne sais pas grand chose sur lui. Ce n’est pas moi qui enquêtais dessus mais un collègue. Mais vous, pourquoi avoir choisi la police, si vous aviez peur de découvrir la vérité ?

-Voici deux ans que mon père a disparu. Fuite, meurtre, personne ne sais ce qu’il est devenu. En dépit de ce qu’il a pu faire, j’aimerais le retrouver. Je l’aimais beaucoup. Il a toujours été là pour moi. C’est lui qui m’a recueilli. Je ne pourrais jamais l’imaginer avec un cœur mauvais. Je suis entrée dans la police après sa disparition. Mais vous, pourquoi être venu dans notre commissariat si vous aviez un déjà poste dans la police ? »

Elle voulait le voir mentir. Y arriverait-il. Il paraîtrait que les honnêtes gens ont terriblement de mal à dissimuler la vérité. Chez elle, c’était inné.

-« C’est que, en fait, j’aime bien le coin. Je trouve que cette ville est très sympathique. Comme j’ai en plus passé le concours d’inspecteur, on m’a proposé plusieurs établissements. J’ai choisi celui là.

-Ah bon, c’est tout. Vous savez, des rumeurs courent comme quoi vous étiez dans les stup et que vous êtes venus pour attraper un gros poisson chez nous.

-Qui raconte ça ? »

Aline se mit à rire. On disait vrai, les honnêtes gens ne savent pas mentir. Son ton aurait peut être été convaincant pour quelqu'un d'autre, mais pour Aline ça se voyait sur son visage comme le nez au milieu de la figure, vu son état de stupéfaction. Il s’est dévoilé presque tout seul cet abruti. Heureusement qu’il a choisi le bien, sinon il n’aurait pas survécu longtemps.

-« Je ne cite pas mes sources, après je vais me faire gronder. Si vous gardez tous les secrets aussi bien que celui là, vous allez me dénoncer à Lélia et je vais passer un…

-Et vous alors, vous savez mieux les garder que moi, peut être ! Mais comment cette fille l’a-t-elle découvert ?

-Elle est flic, ne l’oubliez pas ! Vous ne lui direz rien du tout, hein ? Et je ne lui confirmerais pas que vous êtes des stup. Ne lui dites rien, s’il vous plaît.

-Vous non plus, alors. Marché conclu. »

Aline avait glissé le nom de son amie dans la conversation pour qu’il ne vienne pas à l’idée de son interlocuteur qu’elle avait pu avoir des contacts illégaux. Les ragots lui permettaient ainsi de se couvrir, surtout que Lélia lui avait vraiment donné de pareilles informations. S’il lui en parlait, elle ne pourrait nier. Ne dire qu’une partie de la vérité, c’est pas mal aussi, et c’est plus sûr que mentir.

Il bifurqua soudainement à droite, quittant la grande route vers une ruelle. Il devait avoir appris le plan par cœur pour connaître cet endroit ! La petite rue menait directement au café Du Coin, celui là même où Aline avait rencontré pour la première fois le petit chef de son patron, le jour où elle avait tué son père…

Cela ne pouvait signifier qu’une seule chose : il savait. Son arme était toujours à portée de sa main. Surtout, ne pas laisser voir son jeu, même s’il a des doutes. C’était là sa philosophie. Maintenir à tout prix son déguisement. Il s’arrêta juste devant le bar.

-« Vous connaissez cet endroit ?

-Désolé, mon ami. Seulement de nom ! On m’a dit que leur café était imbuvable. Je ne vois pas ce que l’on fait ici, à moins que vous ne m’ayez encore caché quelque chose. »

Aline cherchait, tout en parlant, dans son regard si quelques lueurs ne trahissaient pas quelques mauvaises intentions ou piège de sa part.

-« Il n’y a pas que le café qui est mauvais, ici. Les serveurs sont des immigrés clandestins et l’arrière salle accueille de nombreuses transactions illégales. Cet endroit est surveillé depuis assez longtemps, mais ils se sont calmés et l’on n'a plus rien…

-Surveillé ? Depuis combien de temps ? Je passe parfois ici mais je n’ai jamais rien vu de caméras !

-Depuis bientôt un an. On a plusieurs gars qui jouent les alcooliques depuis neufs mois et dix-huit jours. Je vais leur donner le bonjour. Vous venez ?

-Non, je garde la voiture. »

Il sortit. Un an ! C’est à partir de ce moment là qu’elle avait commencé à changer de lieux de rendez-vous avec ses supérieurs. Elle n’avait pas dû être vue. Cependant, elle ne pouvait courir le risque de se faire repérer par les serveurs ou autres habitués qui la connaîtraient peut être de vue. Elle se recroquevilla sur son siège dans la voiture en espérant ne pas se faire reconnaître par les passants. De toute façon, il était plutôt rare que les gens, surtout dans ce coin, s’intéressent à un flic, au contraire. Ils se tenaient éloignés du véhicule.

Elle vit soudain débouler Lestat. Il marchait assez tranquillement sur le trottoir d’en face. Elle se releva un peu pour mieux l’observer. Il la vit et commença à s’approcher d’elle. Elle secoua lentement la tête. Il comprit et s’en retourna.

C’est à ce moment que l’inspecteur Etienne choisit de revenir.

-« Alors ?

-Ils tiennent leurs positions. Ils n’avancent pas, c’est pour cela que je suis là. Il est midi. Je vous invite ?

-Pas ici, j’espère !

-J’avais plutôt dans l’idée que vous choisiriez l’endroit, étant donné que je suis nouveau ici. Naturellement, c’est moi qui paye !

-Il va falloir que j’en profite. Laissez-moi le volant, je vais vous emmener dans un endroit sympa pour prendre un repas rapide et complet. »

Ils échangèrent leurs places. Surtout, ne pas aller trop vite, ça pourrait éveiller les soupçons. Elle dut faire de gros efforts pour respecter les limitations de vitesse. Ils arrivèrent enfin là où elle avait projeté de les emmener, un petit bistro que Lélia et elle affectionnaient particulièrement. Ils mangèrent rapidement et remontèrent de nouveau en voiture sans perdre de temps. L’après-midi fut entièrement consacrée à une visite assez grossière de la ville sous les commentaires animés d’Aline. Le soir, elle le ramena chez lui. Dès le lendemain, elle projetait de lui faire avouer qui était le suspect qu’il avait pour rôle de percer à jour.

-« Demain, il sera inutile de venir me chercher. J’ai un rendez-vous avec un contact des stup. Vous pourrez compléter l’équipe de votre amie. Je suis par contre tout à vous après demain. Allez, bonne nuit, fit-il avant de claquer la porte.

-Bonsoir »

« Il n’aurait pas pu le dire avant qu’il ne serait pas là le lendemain, pesta elle intérieurement, je suis sensé le surveiller et il m’échappe à peine arrivé! J’attends impatiemment cette foutue permission de le tuer. Je ne le manquerais pas celui là. Il serait bien le premier, de toute façon. » Elle tourna la tête de tous les cotés. Elle trouva assez vite ce qu’elle cherchait. Une petite voiture avec quelqu’un à l’intérieur. Il la faisait suivre. Il avait tort. Il n’avait pas confiance en elle, mais de là à lui coller aux basques de la flicaille ! Elle démarra. Il la suivait bien, d’assez loin, mais il était repéré, et ça serait probablement amusant.

C’est étonnant, mais à l’entendre, on peut sentir qu’elle détestait cette Aline Holkes, mais c’est un peu comme si elle et la tueuse étaient d’une quelconque façon liées. Cela raviva mon sentiment que cette femme est Lélia. Dans son récit, les deux femmes sont comme unies par un lien de fraternité, ou du moins de complicité. C’est comme si, dans un certain sens, cette femme essayait de justifier les actes de la grande meurtrière.

On se dit au revoir et on rentre chacun de notre coté. Je brûle d’envie de connaître la suite.

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