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Gaya sur sa lune
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19 novembre 2008

L'âme du diable : 6 décembre

6 Décembre



Le lendemain, je vins au rendez-vous en m’assurant qu’il n’arriverait rien de fâcheux à l’inspecteur Eric Etienne, puisqu’il était celui qui mettrait Aline en prison !



Quand je l’ai revue, elle souriait. J’aime à croire qu’elle prend autant de plaisir à raconter que moi à l’écouter.



-« Le soir, Aline ramena son coéquipier chez elle, comme prévu… »

Sur sa moto, Aline semblait sentir la joie qu’exprimait son compagnon derrière elle, à moins que ce ne fut sa propre joie de se savoir enfin gagnante ? La bataille ne faisait que commencer !

Ils arrivèrent bientôt chez elle. Elle lui fit visiter la demeure établie par son père. Pas toute, évidemment, elle prenait soin de cacher les caves secrètes et la salle d’armes, même si celle-ci était désormais vide. Il fut enchanté, bien qu’elle ne sut pas si c’était parce qu’il était heureux de connaître sa maison ou plutôt parce que son père y avait vécut, si c’était un intérêt professionnel ou… personnel.

Au bout de quelques semaines, tous deux devinrent inséparables et il quitta même son appartement pour s’installer chez elle, ce qui était plus simple, tout compte fait. Cela leur permettait de travailler ensemble et il n’avait pas besoin de l’appeler s’il avait besoin de quelque chose de toute urgence. Ils étaient devenus un peu comme des colocataires et Eric avait insisté pour payer une partie de la facture d’électricité et de l’eau.

Cette histoire commençait à aller cependant un peu vite, même pour Aline, qui avait de plus en plus de mal à garder le contrôle de la situation qu’elle avait déclenché. Il était temps qu’elle se reprenne. Elle avait de plus en plus de mal à expliquer à son compagnon ses rendez-vous avec Lestat, lorsqu’il s’en intéressait.

Leur histoire prit de l’ampleur sans qu’eux-mêmes ne s’en rendent compte, jusqu’à ce qu’ils échangèrent leur premier baisé. Lorsqu’il eut lieu, Aline fut surprise et très heureuse à la fois : elle avait gagné la partie. Il lui appartenait désormais. Mais quelque part en elle, elle était aussi triste, sans bien savoir pourquoi. A trop avoir attendu ça, elle trouvait l’événement décevant. Enfin, l’avantage, c’est qu’elle pouvait le surveiller tout le temps. Parfois, il devait encore aller chercher quelques affaires dans son précédent logement duquel il continuait à payer le loyer.

Ce jour là, il avait rendez-vous avec un indic’ et Aline travailla pour la journée avec Lélia. Ca la faisait bien rager, mais bon, sa collègue commençait presque à lui manquer, alors elle n’a pas trop ronchonné. Ses taquineries surtout la rendaient nostalgique.

-« Finalement, j’ai l’impression que tu préfères travailler avec lui qu’avec moi ! Décidément, je ne suis pas faite pour le travail en solo ! Non mais, imagine-moi ne serait ce que 10 minutes sans parler à personne ! C’est quasiment impossible ! »

Toutes deux se sourirent. Aline savait bien qu’elle ne lui en voulait pas du tout.

-« De toute façon, vous deux, c’était obligé ! Si tu t’étais vue la première fois qu’il t’est apparu ! On aurait dit que c’était un revenant ! Tu ne savais pas où te cacher. Je me suis dit, celui là, ou elle l’aime, ou elle le tue ! Non mais sérieusement, tu le flinguais rien qu’avec les yeux ! »

Ah oui, ou je l’aime, ou je le tue : eh bien, je le tue !

-« On pourrait parler de quelqu’un d’autre !

-D’accord, dis-moi, et l’ancien ?

-Quoi l’ancien ?

-Ben oui, ton ex quoi ! »

Elle revit en mémoire la scène avec Lestat.

-« Ah, lui ! Parti en Italie. Son travail. Mais nous deux, c’est de l’histoire ancienne, et encore, si on peut parler d’une histoire !

-Ah. De toute façon, tu n’as pas perdu au change, l’Etienne, il est à croquer ! Moi si je pouvais trouver mon Jules ! Je suis pas exigeante ! Quoique, remarque, si je pouvais en trouver un jeune, bien musclé, bien bronzé, beau brun avec des yeux sauvages… »

Aline la coupa dans son élan, alors qu’elle s’apprêtait, pour donner plus de vigueur à sa description, à toucher un corps invisible.

-« Parce que t’as déjà vu des yeux sauvages, toi !

-Non mais ce que je veux dire, c’est des yeux tranchants, tu vois, pas des yeux doux, mais des yeux qui te transpercent le corps, caché sous de beaux sourcils… Enfin un mec quoi ! Un vrai ! Un qui t’envoie chez les anges rien qu’en te regardant et qui irait jusqu’à tuer pour toi !

-Oui, le genre de type qui n’existe que dans les contes de fées !

-Tu es trop pessimiste ! Moi je crois à l’homme qui donnerait sa vie pour te combler, qui renoncerait à ses rêves et à l’argent.

-Renoncer à ses rêves, pourquoi pas, mais à de l’argent !

-Parce que tu tuerais Eric, toi, pour de l’argent ?

-Qui sait ! »

Lélia regarda Aline.

-« Tu sais que des fois, tu ferais presque peur ! »

L’autre lui sourit :

-« Regarde où tu vas, la route, ce n’est pas un terrain de jeu. »

Elles roulèrent encore quelques temps, Lélia au volant.

-« Au fait, puisque t’es avec lui, t’as pas des renseignements sur tu sais quoi ?

-Mmm ! Peut être… »

Aline prenait un malin plaisir à faire attendre Lélia, tout en sachant pertinemment qu’elle cracherait le morceau.

-« Raconte, ça te fera du bien… »

Aline rit :

-« C’est à toi que ça fera du bien, plutôt, je crois !

-Oh, rien qu’accessoirement. Allez, raconte, s’il te plait…

-Ne me fais pas ces yeux de chien battu, sinon je ne te dis rien ! »

Lélia se mit à tirer la langue comme un petit chiot, ce qui provoqua le fou rire des deux amies arrêtées heureusement à un feu rouge.

-« Dis-moi tout, maintenant, sinon je te mordrais !

-Eh bien, après une longue enquête… Il a tout avoué !

-Ah ! J’avais raison ! Je suis trop forte ! Faudrait que je me range dans le privé !

-Et moi, tu m’oublies !

-Meuh non, toi tu seras femme au foyer pour surveiller tes mioches qui auront hérité de ton sale caractère, mais tu seras aussi à mi-temps ma secrétaire personnelle. Quoique ce n’est peut être pas une bonne idée, tes coups de tête ne plairont pas aux clients. Va falloir que je revoie mon truc. En attendant, il est midi et c’est moi qui paye.

-J’accepte patron. »

Elle s’arrêtèrent dans une boulangerie pour prendre des sandwiches bon marchés.

Le soir, Aline rentra chez elle. Eric était déjà là, assit sur le canapé, en train de taper sur le clavier de son ordinateur, cherchant la moindre faille dans ses dossiers qui pourraient lui donner une piste, le moindre petit indice qu’il aurait sous le nez et qu’il ne voyait pas.

Aline s’approcha de lui sans bruit pour pouvoir le surprendre. Elle lui déposa un baisé dans le cou sans qu’il s’aperçoive qu’elle était rentrée. A cela il ne répondit qu’un simple ‘’Bonjour, bien travaillé ?’’sans chercher à connaître la réponse. Aline en fut presque déçue, même si pour cela, il aurait fallu qu’elle l’aime vraiment. Elle le laissa à ses occupations, tout en se disant que celui là commençait à lui taper sur les nerfs et que le permis de tuer commençait à se faire attendre. Elle ne pensait pas qu’un jour, elle aurait pu manquer à ce point de patience, mais c’était le cas. Peut être qu’au fond d’elle-même, elle pressentait ce qui allait arriver.

Elle se mit à préparer le repas du soir, tout en écoutant d’une oreille distraire les grognements discrets de son petit ami et le bruissement des touches du clavier d’ordinateur sur lequel il tapait.

Cela finit par l’énerver assez. L’humeur bougonne de l’inspecteur et le manque d’intérêt qu’il lui témoignait avait fini par attiser sa curiosité. Ayant terminé de faire chauffer les boites de haricots et de pommes de terre elle se glissa entre l’homme et la machine.

-« Alors, comment s’est passé ton rendez-vous aujourd’hui ?

-Aline, ce n’est pas le moment de…

-Tu as raison, c’est le moment de manger. Mais c’est pas grave, répond quand même à la question ! »

Comme il savait qu’il ne pourrait pas la faire bouger, il n’insista pas.

-« J’ai appris pleins de choses intéressantes, mais qui ne me servent à rien ou presque. Je sais seulement que celui que je cherche est bien un gros de la mafia, mais je le savais depuis bien longtemps, qu’il a engagé un type qui se fait appeler Lestat - tiens à propos, tu as lu Anne Rice ? Elle a écrit un bouquin avec un vampire du nom de Lestat, c’est peut être pour ça qu’il a choisi ce surnom – et qu’il a engagé deux types pour une affaire personnelle depuis quelques temps déjà. Donc tu vois, à moins que tu saches quelque chose de ces gens-là ou de leur « affaire », je n’ai rien du tout ! Et ça m’énerve. »

Son ton avait augmenté en puissance durant toutes ses explications pour finalement redevenir tout doux, même douceâtre dans les trois derniers mots.

-« Voilà, ce n’était pas compliqué de dire ça. Tu t’es énervé un bon coup, c’est très bien, n’est-ce pas que ça fait du bien ! Et maintenant tu vas te calmer, oublier cinq minutes cette histoire, manger un peu et tu reprendras plus tard, d’accord ?

-Mais je…

-D’ACCORD ? »

Elle lui fit une tête si menaçante qu’il ne put qu’accepter la proposition, qu’il devait trouver d’ailleurs tout à fait raisonnable.

-« Laisse-moi deux minutes, j’éteins l’ordinateur. »

Aline retourna dans sa cuisine, mettre la table.

Pendant ce temps, Eric, bien décidé à reprendre ses activités dès que possible, mis sa machine en état de veille.

Eric obéit mot pour mot à ce qu’avait dit sa compagne : il mangea un peu, très peu, même, et durant les cinq minutes requises, puis il se réinstalla sur le canapé devant son portable. Aline ne pouvait y croire : était-il si pressé de mourir ! ou plutôt de la quitter, car c’est bien probablement ce qui arriverait si il finissait son enquête sans toutefois quitter ce monde. Découragée d’avance d’avoir encore à le distraire de son travail, elle préféra se mettre dans un bon fauteuil et lire un peu, car tel était son passe temps. Elle allait d’ici peu sortir pour un rendez-vous avec Lestat. Elle dira seulement qu’elle a envie de prendre l’air, ce qui n’est pas faut, puisque c’est ce qu’elle s’était mise à faire depuis plusieurs semaines, prétextant que ça la calmait, alors que c’était pour nettoyer son arme fétiche, qu’elle mettait à la place de son arme de service. En un sens, ça l’apaisait, ça lui redonnait la confiance en elle qu’elle sentait parfois glisser. Cela lui redonnait l’impression qu’elle était forte et invulnérable, ‘’non pas que j’en aie besoin’’, se disait-elle parfois.

En vérité, elle était très troublée, depuis cette première nuit d’amour avec Eric. Peut être était-ce le fait de l’avoir fait avec un cadavre en sursis ! Depuis cette nuit là, Aline se sentait nue, découverte et sans protections. ‘’Ca passera, se disait elle, tout le monde ou presque passe par là. Je ne suis pas la première, je ne serais pas la dernière’’.

Maintenant, c’était trop tard pour revenir en arrière, et c’était justement ça le problème, c’était la première fois qu’elle désirait revenir en arrière.

Soudain Eric poussa un cri de joie. Il l’attrapa par le poignet, la leva brusquement, l’entraîna sur le canapé où il était un instant plus tôt et lui désigna l’écran :

-« Regarde bien, c’est tout bonnement génial ! Je savais que les bars que nous pensions être témoins de deal illégaux avaient un point commun ! ‘’Du coin’’, propriétaire : Marniaud, a acheté il y a un an à Guillerand, majeur il y a un an et a eu droit de succéder à son père, mort dans des circonstances étranges. Tuteur légal de l’héritage en attendant : Cioran. ‘’Bourgade’’, co-propriétaires : Dixon, qui vit en Angleterre et Ronsart, beau-frère de Cioran !‘’Balkan’’, plusieurs actionnaires, dont un grand, Xavier, mort depuis trois ans, qui a changé de numéro de téléphone il y a trois ans, et dont celui ci correspond à un certain Ranico, disparu de la circulation, laissant place à un nouveau nom : Cioran ! C’est lui ! Personne n’avait pensé à lui, mais maintenant c’est sûr ! Les preuves vont tomber du ciel, c’est obligé ! Je savais que c’était juste sous mon nez ! Et encore, y’en a plein d’autres comme ça : quatorze bars, restaurants, hôtels, qui ont tous un rapport, proche ou très éloigné, avec ce Cioran ! On y trouve pleins de disparitions tout aussi suspectes, que je crois que là encore, on peut imputer à ce Cioran ! »

Le sourire d’Eric Etienne était immense, et il pensait que celui d’Aline serait pareil. Il fut bien étonné, mais il ne fut pas le seul. La jeune femme ne comprenait pas pourquoi cette nouvelle ne la réjouissait même pas un petit peu, alors que c’était sûr, là, elle l’aurait, sa permission de tuer. Or rien n’est comparable au court instant où la balle sort du pistolet et touche la chair, laissant couler un petit filet de sang rouge, encore chaud, brillant et éclatant.

-« Pourquoi tu me dis ça à moi ?

-Euh ! Ben, parce que je veux que tu partages ma joie. Je suis content et j’ai envie de le dire à la première personne que je vois, surtout si c’est toi ! Je sais pas moi !

-C’est génial. »

Aline n’avait même pas envie de lui faire croire à une joie factice. Lorsqu’elle aura joué avec sa gâchette, son humeur générale reviendra sûrement. Oui, c’est ça, c’est comme si on m’avait privée trop longtemps de mon jeu favori, se dit-elle, plus rien ne m’amuse.

-« Je sors, ça me fera du bien. Je prends la moto, cria-t-elle en prenant la porte.

-Je serais bien venu, mais je suis fatigué », lui répondit sur le même ton Eric, qui ne comprenait pas le comportement de son amie.

Aline partit très rapidement, tout en remarquant qu’il la regardait par la fenêtre.

Il faut qu’Etienne ait sûrement compris qu’elle est dans le coup, pour qu’il puisse s’en sortir. En tout cas, qui aurait pu croire que ces deux là eurent pu être ensemble ! Quelle horreur ! Chacun jouait la comédie, c’est obligé ! Cette histoire ne peut tourner bien, c’est impossible ! Sauf si le collègue de l’inspecteur est venu le voir, ou la, je veux bien comprendre. Oui, c’est ça, il va venir le prévenir pendant la nuit et ça va le sauver ! C’est le seul moyen !



-« Il est temps de nous quitter pour aujourd’hui, mon jeune ami. Je vous aurais bien raconté la suite, mais j’ai un autre rendez vous et votre famille risque de s’inquiéter. »



Je m’aperçois alors qu’en effet, il commence à se faire tard.



-« Vous avez raison et je vais me faire tancer chez moi. Je devais aller chercher mon fils au périscolaire or il est bientôt 18 heures ! Je n’aurais jamais le temps d’y être à l’heure !

-En voiture, sûrement que si. L’école n’est pas bien loin quand même !

-Le problème, c’est que je suis à pied », lui dis-je en m’en allant au pas de course.



Je ne sais pas par quel miracle, mais j’ai quand même réussi à aller chercher Damien à temps.





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