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Gaya sur sa lune
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26 novembre 2008

L'âme du diable : 7 décembre

7 Décembre



Comme j’avais oublié de donner le rendez-vous d’aujourd’hui la veille, je vais sans grand espoir au jardin public à 14 heures. Mais j’ai de la chance, la voilà assise comme d’habitude sur notre banc quotidien désormais.



-« J’ai eu peur que vous ne soyez pas venue.

-J’aime bien ce jardin, et je savais que si vous vouliez la suite, ce serait ici que vous iriez. »

Aline allait à toute vitesse, pour ne penser qu’à la route et au danger qu’elle courait, plutôt que de ce qui s’était passé et ce qui allait se passer.

Elle arriva bientôt au lieu de son rendez-vous avec Lestat. Depuis que la plupart des bars du patron étaient surveillés ou du moins soupçonnés, Aline et son intermédiaire se retrouvaient à la nuit tombée dans des jardins publics. Finalement, c’était aussi bien.

-« Toujours rien ?

-Peut être que si…

-Qu’a t-il découvert ?

-Est-ce que j’aurais la permission de le tuer ?

-Si ce n’est rien, non !

-Pourquoi ?

-Parce qu’il pourrait abandonner ses recherches et nous serions tranquilles. Si on le tue, ils sauront qu’il était sur une bonne piste et ils ne nous lâcheront plus. On en a tous assez, de ce type, mais il va falloir continuer à faire avec et tu fais du très bon boulot…

-Parce que tu crois qu’il est possible qu’il lâche l’affaire ! Au passage, je tiens à te dire que je suis très sensible à la flatterie : rien ne m’enrage plus et mon pistolet me démange, ces temps-ci, alors évite d’en rajouter.

L’autre n’eut rien à redire.

-« Bon, qu’est ce que tu as ?

-Il a découvert… »

Aline prenait plaisir à le laisser languir.

-« Quoi ? Arrête tes conneries, le patron ne serait pas content s’il te voyait.

-Le patron ? Quel patron ? Tu vois un patron toi, par ici ? Moi, non, et c’est bien ce qui m’embête. Quand on veut quelque chose, on dit s’il te plait, mademoiselle Thalie que j’adore ! Mais les menaces, ça ne marche pas sur moi. A toi maintenant.

-Thalie chérie, les infos pour un baiser.

-Y a du mieux, mais on va oublier le baiser ! Bon, pour notre affaire, Etienne sait qu’il poursuit un homme du nom de Cioran. »

Lestat ne put s’empêcher de sursauter, puis il fit comme si de rien n’était.

-« Bien, je te contacterais plus tard. Cioran est un très lointain ami du patron. Il voudra probablement le protéger. Surtout, ne fais rien sans qu’on te le demande. »

Lestat repartit d’un pas pressé, laissant seule Aline, avec un air assez amusé. « Un lointain ami du patron, prends-moi pour une imbécile ! »

Elle enfourcha sa moto, réjouie, faisant grimper le compteur à des vitesses folles, tout en se demandant combien de mètres elle parcourrait par terre si elle dérapait. Beaucoup, se dit-elle, et elle se retrouverait bien mal en point une fois arrêtée, mais cela ne la fit pas ralentir davantage, au contraire. La seule idée qu’un faux mouvement la tuerait peut-être faisait battre son cœur. Elle adorait ce goût du risque. On a qu’une vie, se disait-elle, alors qu’elle soit courte ou longue, peut importe, autant la vivre à fond !

Mais elle ne fit pas de faux mouvements et arriva chez elle saine et sauve.

L’ordinateur était arrêté et soigneusement rangé sur l’étagère et Eric dormait déjà dans la chambre. Aline s’assit dans un fauteuil et se mit à attendre. Elle pensait que Cioran et son patron ne faisaient qu’un, et qu’elle recevrait bientôt un coup de fil sur son portable lui ordonnant de tuer son compagnon.

Elle eut bientôt l’impression que cette attente était interminable. Ce serait-elle trompée ? Elle ne pouvait le croire ! Peut-être n’appellera-t-il pas. Peut être Lestat avait-il eu un accident…

Soudain, le petit téléphone vibra sur la table devant elle. Elle le prit délicatement dans sa main. ‘’Appelant inconnu’’ : était-ce lui ? Elle ne pouvait s’empêcher de trembler. De l’appréhension ? Non, de l’espoir. Oui, pourvu que ce soit lui, se dit-elle faiblement en ouvrant le battant.

-« Thalie ?

-…

-Tue le. »

Il raccrocha.

Elle savait bien que cela se finirait ainsi, mais elle devait avouer que maintenant que c’était dit, elle était presque étonnée.

Elle sortit délicatement son revolver de sa pochette et le caressa longuement, comme si elle voulait en faire sortir un génie, mais ce n’était plus comme avant. Elle se leva lentement puis marcha résolument vers la chambre. Elle se força à sourire avant d’entrer. Elle tourna la poignée et pénétra dans l’antre du dormeur.

Eric était toujours plongé dans un profond sommeil, ignorant du danger juste à coté de lui.

Elle pointa son arme à deux mètres de son front et posa doucement son doigt sur la détente. Elle prit une grande inspiration. Elle sentait en elle cette impression de puissance qu’elle aimait tant.

Elle abaissa soudain son bras. « Non, se dit-elle, ce serait trop facile. Bon pour un débutant. Il ne peut même pas se défendre, il n’a aucune chance. Ce n’est même pas drôle. En plus ça va salir ma chambre. Je ferais ça demain. Je veux qu’il voie la mort en face, qu’il sache qu’il a perdu. »

Elle rangea le revolver. En passant devant l’ordinateur, elle eut une idée. Elle l’éclaira. MOT DE PASSE : ALINE, quelle délicate attention de la part d’Eric ! Bientôt elle trouva ce qu’elle cherchait : l’adresse de Cioran. Il y en avait plusieurs et elle les nota toutes. Elle se promit d’aller à la plus proche le plus tôt possible.

Elle éteignit tout, entra dans la chambre et, sitôt en chemise de nuit, se glissa dans le lit. Elle se serra contre lui pour avoir plus chaud. Ca aussi ça allait lui manquer quand elle l’aurait supprimé. Finalement, c’était presque utile un homme à la maison. Il faudra lui trouver un remplaçant.

Le lendemain, lorsqu’elle se réveilla, son compagnon n’était plus là. Elle regarda le réveil. Il était 9h35. Jamais elle ne s’était laissée aller à une telle grasse matinée ! Elle se leva rapidement. Où était passé sa cible ? Elle le retrouva sur le canapé, tournant un café déjà froid, un journal sur les genoux regardant par la fenêtre. Aline tourna la tête pour voir ce qu’il voyait, mais il n’y avait rien de si intéressant.

Il s’aperçut soudain qu’il n’était plus seul. Il se leva et alla embrasser Aline.

-« Enfin réveillée ! Ecoute, comme c’est mardi et qu’on ne bosse pas, je t’invite au cinéma. Ça te va ?

-Ok, pourquoi pas. »

Aline se méfia. Son attitude était assez étrange ce matin.

Elle alla se servir un café tout en se posant de nombreuses questions, mais ce fut lui qui se dévoila.

-« Tu sais, le fait que mon enquête se termine ne signifie pas que l’on ne pourra plus se voir. Je pourrais aussi demander à changer de lieu de travail pour mieux me rapprocher de Paris, si tu le veux.

-Hein ? !

-Ben oui, c’est pas pour ça que tu étais triste et un peu en colère hier ? Mais pour nous il y a sûrement pleins de solutions. Il suffit de les chercher pour les trouver. Je ne vais pas te quitter parce que j’ai fini mon boulot… »

Aline ne savait pas que penser. Où diantre avait-il pu trouver des idées aussi saugrenues ! En même temps, il lui fournissait une bonne excuse pour son comportement de la veille, alors autant en profiter.

-« Je sais bien. Hier j’étais fatiguée mais maintenant ça va beaucoup mieux, ne t’en fais pas. Je suis bien contente que tu ais enfin résolu tes énigmes et je suis sur qu’on trouvera rapidement des preuves contre lui. Maintenant, tu m’as promis un cinéma, alors je me prépare et on y va. »

Lorsqu’elle se fut habillée et eut pris un petit déjeuné, Aline attrapa son manteau de cuir.

Il partirent pour la grande ville dans une petite voiture grise qui appartenait au père d’Aline. Elle lui servait pour la vie de tous les jours. Une voiture très jolie. C’était sa préférée et elle était plutôt discrète, ce qui convenait bien à Aline. Elle avait été une des dernières grandes acquisitions de son père. Ils trouvèrent une place pour se garer assez rapidement pour une fois.

Aline se disait que si elle devait le tuer, il faudrait trouver le moment propice. Elle devrait l’emmener dans un endroit plus tranquille en tout cas que les rues de Paris. Elle se mit à chercher dans les moindres recoins de ses souvenirs le meilleur endroit. Elle voulait que cet assassinat soit théâtral, et comme pour toutes bonne pièce de théâtre, il fallait un décors magnifique. Elle ne pensa pas un seul instant que généralement, si certaines pièces n’avaient pas de décors, toutes avaient un public, mais enfin, la mort, c’était quelque chose d’intime. Un lien se crée automatiquement entre le meurtrier et sa victime : le remord. Mais Aline ne connaissait pas le remord.

Ils marchaient ainsi depuis une ou deux minutes, lorsqu’un instinct qu’elle-même ne put expliquer lui fit bondir sur Eric pour l’obliger à se coucher par terre. Au même moment, à l’endroit où se trouvait l’instant auparavant la tête de l’inspecteur vola une balle. Ses réflexes la poussèrent à dégainer son revolver. Elle se tourna vers l’endroit d’où provenait la balle. Un quart de seconde plus tard elle vit le tireur, posé sur un toit d’un grand immeuble et tira dans sa direction. C’était le type qui surveillait Eric dans l’appartement en face. L’homme s’effondra, sans avoir eu le temps de recharger son arme pour retirer. Elle savait qu’elle l’avait tué sur le coup, mais cette fois ci, elle ne monta vérifier.

Qu’avait elle fait ! Elle venait de sauver la vie de sa cible. Qu’est ce qui avait pu lui faire faire cet acte aussi stupide ! Serait-elle devenue quelqu’un de faible ? Elle devait le tuer, mais son bras n’agissait plus. Elle était comme hébétée, son arme toujours dans sa main, tout chaud. Elle tremblait un peu, comme si elle avait reçu un choc. N’avait-elle pas reçu la balle perdue de l’autre tueur ? Elle ne voyait que cette réponse. Elle se tenait là, à genoux au milieu de la chaussée, devant une trentaine de témoins qui avait tout vu de la scène et qui criaient. Certains s’étaient jetés à plat ventre par terre, les mains sur la tête, se demandant ce qui allait leur arriver.

Eric s’était relevé et avait sorti sa plaque de police. Il essayait de rassurer la population, puis il revint vers sa coéquipière et la releva.

-« Ca va aller, ne t’en fais pas. Tous les témoins pourront dire que c’était de la légitime défense…

-Je l’ai tué…

-Peut-être pas, reste là, ne bouge pas. On va rentrer, mais on va d'abord attendre la police. Ils vont arriver, quelqu’un les a appelés. »

Aline obéit. De toute façon, elle ne savait plus que faire. Qu’est ce que tout cela voulait dire ? Elle ne pouvait pas y répondre, pas plus qu’elle n’arrivait à définir le ‘’tout cela’’. Elle ne parvenait plus pas à penser, tout se brusquait dans sa tête sans qu’elle puisse retenir la moindre information.

Elle ne vit pas les policiers arriver, mais s’en aperçut lorsque Lélia la prit dans ses bras pour la réconforter.

-« Ca va aller, ne t’en fais pas. On va te sortir de là. Surtout, ne reste pas seule, hein ! Si tu as besoin de quelque chose, n’oublie pas que je suis là. Tu n’es pas la première dans ce cas, sois-en sûre, et tu ne seras probablement pas la dernière. Je vais dire à Eric que tu peux t’en aller. Il va te ramener. »

Joignant le geste à la parole, elle alla voir le jeune homme qui parlait à un autre inspecteur et l’emmena à part. Aline, quant à elle, s’était remise et envisageait sérieusement un retrait rapide et en douceur de cette situation. Plus personne ne s’occupait d’elle et elle comptait bien en profiter, mais d’abord, elle voulait entendre ce qu’allaient se dire ses deux amis. Ils étaient non loin d’elle et en tendant bien l’oreille, c’était possible.

-« Surtout, ne la laisse pas seule et surveille là. Elle pourrait faire de grosses bêtises. Tu sais, sous ses allures de femme fatale, dure et totalement désintéressée, Aline est quelqu’un de très sensible. Tout rentrera dans l’ordre des choses, mais ça prendra sûrement du temps. En attendant, fais en sorte qu’elle pense le moins possible à ce qu’elle vient de faire. »

Aline ne chercha pas à savoir la réponse qu’allait faire Eric. Elle s’en alla discrètement et rapidement.

Elle erra longtemps dans les rues de Paris, sans finalement s’éloigner du lieu de son dernier meurtre. Elle s’engagea dans une ruelle où il n’y avait personne. En fait de ruelle, c’était une route assez large. Une voiture aurait pu passer sans problème, mais pas deux de front. Il y en avait par ailleurs une qui venait de s’engager dans la ruelle. Plus loin, elle tournait pour s'arrêter, 100 mètres plus loin, devant un mur d’un vieil immeuble probablement vide depuis longtemps. Elle voulut retourner en arrière, mais elle vit la voiture qui s’avançait rapidement vers elle. Elle se souvint alors du panneau de sens interdit à l’entrée de la rue.

Un plan germa rapidement dans sa tête et elle se plaça quelques mètres après le tournant. La voiture, pour prendre ce virage si serré, fut bien obligé de ralentir, et lorsqu’elle la percuta, Aline eut le temps de sauter sur le capot et de bien s’accrocher au toit.

Elle se trouvait un peu de biais. Sa main gauche se tenait au-dessus de la vitre avant gauche, sa main droite au dessus du pare-brise, et ses mollets se retenait au coin arrière droit du véhicule.

Le conducteur, qu’elle avait reconnu comme étant Lestat, continua à aller vers le mur pour la faire descendre. Ni arrivant pas, il retourna en arrière pour l’obliger à lâcher. Arrivé au tournant, il ne tourna pas, mais s’apprêta à foncer le plus vite possible contre le mur. Son plan était sûrement de descendre en route et de laisser la jeune fille s’écraser, mais Aline avait perçu ses intentions.

Au moment où il redémarra, elle lâcha les jambes et plaça sa main droite au coté de sa main gauche, puis elle replia ses bras afin de se projeter en avant. Elle atterrit en faisant une roulade qui lui permit de se relever rapidement dans la rue adjacente. Elle sortit rapidement son revolver et tira dans la roue arrière gauche de la voiture. Le conducteur ayant perdu le contrôle de son véhicule s’écrasa dans l’immeuble à gauche et Lestat fut étourdi. Aline courut à lui et avant qu’il ne reprenne totalement ses esprits lui asséna sur le crâne un vigoureux coup de crosse de revolver. Cette fois, il perdit connaissance pour de bon.

- « Ce n’est pas parce qu’elle a sauvé un policier et arrêté un criminel que ça va effacer tout ce qu’elle a commis ! »



Mais bon, l'avoir fait est peut être déjà un bon début vers la rédemption, quoique si elle avait pu mourir écrasée, ça ne m’aurait pas dérangé non plus. Tué par ses acolytes, ça aurait été une bien belle fin pour Aline Holkes, la grande Aline Holkes, au lieu que les gens se mettent à revivre dans la peur parce qu’elle a été libérée. Moi je veux bien être d’accord pour la deuxième chance, mais si la première c’est le premier méfait commis, alors elle a gâché beaucoup trop de deuxièmes chances à mon goût !



Mme A ne répond pas, elle sourit seulement, un sourire presque triste et indulgent... Comme si elle parlait à un petit enfant et adaptait ses paroles en conséquences. Cela m'agace un peu, mais il faut bien avouer que cette histoire ressemble de plus en plus à une fable... Je me demande ce qui pourrait être exploitable dans un article là dedans...



-« La suite pour demain, il se fait tard. »



En fait j’aurais dit plutôt il se fait nuit et il se fait froid ! L’hiver arrive finalement à grands pas cette année, il faut bien l’avouer. Je lui donne rendez-vous chez moi le lendemain, mais elle refuse encore. Comme il y a une fête le lendemain, parce que c’est le 8 décembre, on décide de se retrouver là bas, dans une immense salle de concert aménagée pour l’événement.

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