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Gaya sur sa lune
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5 septembre 2008

Vacances forcées : Tout s'explique... ou presque

Je rouvris malgré moi lentement la porte.

-« Entrez donc, faites comme chez vous, puisque, d’après ce l’on vient de m’apprendre à l’instant, vous risquez de rester encore quelque temps en notre compagnie. »

            Je fis un pas en avant, de façon à être à l’intérieur de la pièce, et je m’arrêtai. Mon hôte se leva, suivi de près par son acolyte, et me tira une chaise de la grande table à manger. Je me rapprochais. Tout cela sentait le piège à plein nez, et ces deux paires d’yeux braqués sur moi pesaient lourd, mais que pouvais je faire d’autre ? Je m’arrêtai à un mètre des deux hommes. J’attendais l’entourloupe. Habituellement, je n’aime pas fixer les autres, mais dans un moment comme celui la, je scrutais le regard de mes deux compères. Des anges ont eu tout leur temps pour passer. Mon hôte secoua la chaise en me faisant bien comprendre que je devais m’asseoir. Je fis ce qu’il attendait de moi, je m’assis, en vérifiant qu’il ne me retire pas la chaise au moment où je me posai. Evidemment je n’avais pas pensé au fait que ce geste n’aurait eu aucun intérêt et qu’il ne lui aurait donné aucun bénéfice, mais je n’avais aucune confiance en son air calme et triste, je me méfiais de lui. Et puis, il m’avait tout de même fait enlever, c’est une raison suffisante à mon goût de ne pas me fier à lui.

            Quand je fus assise, l’ours repartit et mon hôte prit une chaise à coté de moi. Le petit déjeuner fut servi et rapidement prit. Dans cette matinée, aucun imprévu ne survint, il ne se passa rien d’extraordinaire, et cela ne fit qu’accroître mon angoisse. En même temps, maintenant que l’on y réfléchit, si un prince charmant était venu me délivrer, c’est là que j’aurais été la plus surprise ! Quoique la police aurait aussi bien fait l’affaire…

            Je me rappelais soudain… Le procès devait avoir lieu dans une semaine ! Qui j’étais ? Le témoin gênant, qui a tout vu du meurtre de la petite Eloïse, disparue trois jours auparavant. Le forfait avait eu lieu dans une ruelle derrière ma maison. C’était Eiserman le ravisseur, qui m’a fait enlever par des complices. Son intention maintenant était sûrement de me réserver le même sort qu’à l’enfant. J’étais l’unique témoin, et, même dans l’anonymat, il m’avait retrouvée ! …

            Cet après-midi là, j’eus droit à un traitement de faveur : on me permit de sortir dans le jardin. L’air frais sur mon visage m’avait manqué. J’avais une furieuse envie de crier, mais l’ours était à quelques mètres de moi, et je pense qu’il n’aurait pas apprécié. De toute façon, à part les petits oiseaux, je doute que beaucoup de monde m’aurait entendu.

Finalement, je décidais d’aller à l’arbre dont les branches sortaient de l’enceinte du parc. En dessous, je m’aperçus qu’il était facile d’accès, que l’on pouvait y grimper et sauter de l’autre coté très rapidement. Cet arbre, c’était ma porte de sortie… Cela me paru soudain étrange que mes hôtes n’y aient pas pensé. L’ours se tenait contre un petit portillon de la hauteur du mur. Il avait sans doute l’intention de sortir par là pour me récupérer si jamais j’essayais de sortir. Je ne m’avouais cependant pas vaincue, j’avais un plan… J’allais attendre que quelqu’un passe sur la route, et pour cela, il fallait que j’écoute attentivement tous les bruits, et lorsqu’un bruit de moteur ou de voix approcherait, je sortirais par l’arbre. L’ours ne pourra rien faire d’autre que de me laisser partir et détaller le plus vite possible de la maison, avec son maître et ses hommes de mains. Je riais d’avance de ma sortie et du bon coup que j’allais lui faire. A ce moment là, son téléphone portable sonna. Il y jeta un coup d’œil et s’approcha de moi. Au bout de quelques secondes, sans mot dire, il plaqua sa main contre ma bouche et m’éloignait de l’arbre. J’avais du mal à respirer et j’avais peur qu’il ait enfin reçu l’ordre de me tuer. J’entendis alors un bruit de voiture derrière le mur. Quand elle fut assez loin, il me relâcha. J’étais anéantie ; il faisait surveiller les routes pour être prévenu des éventuelles voitures qui pourraient me faire sortir de la maison.

La journée fut d’une longueur déconcertante, car écouter la nature, c’est sympathique, mais moins quand on est soi même surveillé et immobilisé au moment où l’on s’y attend le moins. Au deuxième coup de téléphone, j’ai bien essayé de sortir, mais il avait décidé de se poster sous l’arbre, ce qui était plutôt embêtant. J’ai même essayé le petit portillon, mais il était fermé à clef. Il s’est alors amusé à me narguer avec la clef qu’il avait mise dans sa poche. Quand il m’a plaquée à nouveau, j’ai tout de même réussi à la lui reprendre, mais il a senti ma main dans sa poche et ne m’a pas laissé le temps de sortir. Le soir, j’étais déprimée.

Il me conduisit dans un salon meublé d’une petite table, une télévision plate, un canapé jaune canari et un petit ordinateur portable. Mon hôte était là aussi, et il avait allumé la petite télévision. C’était les informations régionales. Il est vrai que d’habitude, j’aime assez me tenir au courant, mais là, je préfèrerais savoir ce que l’on va faire de moi plutôt que ce qui est arrivé à monsieur X. J’essayais de trouver un nouveau plan d’échappatoire quand le présentateur me fit lever la tête :

-« Le procès qui devait avoir lieu le 13 janvier de ce mois contre l’agresseur présumé de la petite Eloïse, Léon Eiserman, va probablement être repoussé car le témoin du meurtre a peut-être été enlevé. Une enquête sur la disparition de cette jeune femme de 24 ans est en cours… »

            Que leur fallait-il de plus ? Que j’aille leur dire que j’ai bien été enlevée ! Mais ce n’est pas possible d’être aussi stupide. Pourquoi ‘’peut-être’’ ? .. Après ce merveilleux et optimiste discours de la part du présentateur, vint une interview de l’avocat de la défense qui trouvait que ce n’était pas admissible que l’on pense reculer ce procès et qu’il ferait tout pour qu’il reste à la date prévue. J’étais en colère. Je sais qu’il est sensé défendre son client, mais pour un homme comme lui, il pourrait faire une bavure. Moi pendant qu’il parle, j’ai ma vie qui ne m’appartient déjà plus, alors il pourrait garder Eiserman quelques jours de plus dans sa cellule, c’est quand même la moindre des choses !

            Je fut tirée de mes réflexions par l’ours :

-« La police n’a aucune piste, j’en suis sûr. Elle piétine. »

            C’était très gentil de sa part de me rassurer. Et de toute façon, j’étais persuadée, moi, qu’elle allait arriver… Et avant que ces deux là ne me tuent… Bon, en vérité, j’étais morte de trouille et j’étais de son avis. Je décidais que j’en avais assez d’être ici. Je me dirigeais vers la porte sans faire de bruit. Ils discutaient de quelque chose que mon cher geôlier devait faire le soir même et n’avaient pas vu mon manège. J’ouvris la porte. Elle ne grinça pas. Il faut s’attendre à tout avec ma chance ! Je sortis sans bruit.

            Le couloir était toujours aussi noir, et ne rien qu’en le voyant, ou plutôt ne le voyant pas, je n’avais déjà plus envie d’aller plus loin. J’étais abattue. Je décidais de marcher à tâtons dans ce boyau sans fin. Je n’avais pas fais cinq pas que la lumière s’éclaira soudain. Je mis quelques secondes à m’y habituer.

            Mon hôte arriva, suivi de l’ours :

-« Avec de la lumière, vous y verrez mieux ! »

            J’étais beaucoup trop fatiguée pour répondre quoi que ce soit. Ils me raccompagnèrent dans la chambre qui m’avait été attribuée. Dans l’anonymat, Eiserman m’avait retrouvée et m’avait faite enlever. Il devait avoir pour but de me tuer de ses propres mains une fois libre ou quelque chose comme ça. Je ne pouvais pas ressortir vivante de cette mauvaise passe car s’ils me libéraient, rien ne m’empêcherait de demander un autre procès pour enlèvement, tout en glissant un petit mot pour Eloïse. Je m’endormis sur cette petite réflexion.

            Le lendemain matin, je me réveillais avec une vraie fringale. La porte était, comme la veille, encore ouverte.

            J’arpentai le couloir tout en sachant très bien que seule la salle où se trouvaient mes ravisseur me serait accessible. J’entendis les éclats de voix derrière la grande porte de la salle à manger. C’était l’ours qui parlait :

-« Eiserman a disparu.

-Il s’est évadé ?

-Mais non, patron, je te parle du frère, je sais de source sure que c’est lui qui a été envoyé et qu’il se peut qu’il passe par ici. »

            J’entendis, de mon couloir, l’oreille collée à la porte, une chaise qui grinçait sur le sol.

-Il se peut aussi qu’il nous laisse tranquille, mais il faut donc que vous le retrouviez, et vite, c’est une question de vie ou de mort, dans le vrai sens du terme…

-C’est pour cela que j’ai laissé deux hommes devant chez lui, au cas où il rentrerait au bercail, mais je ne suis pas sûr qu’ils arriveront à l’avoir. Dans cette vieille bâtisse, on peut rentrer chez lui par tous les côtés. C’est à la fois plus ouvert qu’un moulin et plus surveillé que la maison blanche !

-Et pour le procès ?

-Bien sûr, ils se sont aperçus de sa disparition ; mais c’est un bon avocat, il a réussi à ne pas le faire reporter plus tard. Plus qu’une petite semaine à attendre. »

            L’ours fit retentir un petit ricanement sinistre qui semblait me remplir toute la tête. ‘’Plus qu’une petite semaine à attendre’’ la mort ! Je redoutais ce moment depuis mon arrivée ici. Je décidais alors de tout faire pour m’échapper, mais je voulais en savoir plus. Ce rire m’avait fait reculer, mais je recollais mon oreille à la porte dès qu’il fut fini.

            -« C’est dans ce procès que réside, grâce à notre initiative, sa seule chance ! »

            A ce moment précis, l’ours ouvrit grand la porte pour sortir. La lumière m’aveugla. Il était en contre jour et me dominait de toute son immense carrure. Il faut dire aussi que j’étais penchée en position d’écoute. Je me relevais, tremblante.

            -« Alors, vous écoutez aux portes maintenant ! Mais ne vous à t-on jamais appris la politesse ! »

Il paraissait furieux, mais il n’était pas le seul.

« Alors, vous kidnappez des gens maintenant ! Mais ne vous à t-on jamais appris la politesse ! »

            Bien entendu et malgré ma verve, vous vous en doutez, je n’ai pas sorti cette dernière remarque qui aurai probablement été déplacée…

Qu’avais je planifié un moment plus tôt ? Que je devais m’enfuir ? J’avoue qu’à ce moment, j’avais un peu oublié, et que je n’en menais pas large. Je reculais.

-« Je… Non… Je… J’étais en train d’arriver mais vous avez ouvert la porte avant moi… Je… Enfin c’est tout quoi… »

Je ne suis même pas sûre qu’il ait comprit beaucoup de choses.

            -« Qu’avez vous entendu mademoiselle ? Et pas de mensonge cette fois, je vous prie ! »

            A son air menaçant, je décidais d’obéir et de ne pas jouer la forte tête, mais à ma grande surprise, je ne me rappelais plus de rien tant j’étais prise par la peur.

            Mon hôte arriva et lui tapota l’épaule.

-« Allons, mon cher, cela n’a guère d’importance, de toute façon, puisque j’avais décidé de lui parler devant le petit déjeuné. Vous savez ce que vous avez à faire. »

Je crus distinguer un clin d’œil.

            Il s’en alla. J’entrais dans la salle à manger, précédée de mon hôte.

Nous fûmes servis. Je pris un des couteaux qui m’était présenté à coté de mon bol. Il était bien étonnant que l’on me laissât prendre des objets aussi dangereux, qui de plus n’avaient rien à faire au petit déjeuner. Enfin, tant mieux pour moi ! J’eus d’autant plus de chance qu’il ne s’aperçut de rien, ou en tout cas n’en montra rien.

            Une nouvelle difficulté arriva alors ; celle de faire très attention à ne pas me percer la poche ou de me piquer avec la pointe de ma nouvelle arme.

            Je commençais à manger comme si de rien n'était, mais je me sentais mal. Et s’il me voyait… Il va s’en apercevoir… Au secours, il m’a vue… Mon hôte s’était levé et s’approchait de moi. On aurait dit qu’il cherchait ses mots. Ce n’est pourtant pas dur : « Sortez ce couteau, je suis très déçu de votre attitude, veuillez regagner vos appartements, vous y réfléchirez à deux fois avant de recommencer des coups aussi malhonnêtes, mon ami va vous raccompagner… » Quelque chose dans ce style lui irait à merveille !

            -« Peut-être aimeriez vous que j’éclaire votre lanterne sur votre séjour ici. Je vous explique…

-Détention !!!

-Pardon ? »

            J’étais surprise et enchantée qu’il n’ait pas vu mon vol, mais il y avait des limites à ce qu’il pouvait dire ! Je lui souris cependant :

-« Peut-être aimerais je que vous m’éclairiez ma lanterne sur ma DETENTION ici, car c’est ainsi que j’appelle cette retenue dans cette prison sans avoir le souvenir d’avoir été jugée auparavant, et qui est donc contraire aux lois puisque j’y suis contre mon gré ! »

            J’avais fini ma phrase en criant de toutes mes forces, et il me semblait ne plus avoir de voix. Il réfléchit une seconde, légèrement reculé par rapport à la place qu’il tenait ne serai-ce qu’une minute auparavant :

-« Si vous préférez…

-Je préfère ! »

Je me levais brusquement de ma chaise. J’étais en colère et au bord de la crise de nerfs. Il me prit par les épaules pour me calmer et me faire asseoir.

            La suite vint sans que je l’attende : ma main droite, qui était dans ma poche, serrant le couteau, sortit avec une vitesse époustouflante pour s’abattre…


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