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Gaya sur sa lune
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5 septembre 2008

Vacances forcées : Les retrouvailles

Je regardai plus bas. Une tête rousse dont je ne pouvais voir le visage dormait, assis sur une chaise et la figure à plat sur les draps dont on m’avait recouvert. Je voulus essayer de me relever un peu, mais mes jambes, en voulant se dégager réveillèrent le tourteau. Il parut d’abord hébété, puis il se rappela ce qu’il faisait là. Il me regarda. Il avait le teint cireux, des joues et un menton mal rasés, mais je le reconnu tout de suite. Je n’étais pas dans un hôpital, j’étais toujours chez lui. Je tournai la tête pour ne plus le voir. J’étais désespérée. Il ne pouvait qu’être mort ! Un vivant ne pouvait avoir une telle mine, et il me semblait bien l’avoir poignardé il y a à peine quelques heures… Je devais bel et bien (ce terme me semble « bel et bien » mal approprié à ma situation) être en enfer. J’en pleurai de désespoir.

-« Garde tes larmes, me murmura une voix, tu as l’éternité pour pleurer ! »

            A coté de moi, il exultait. J’avais une grande envie de faire ressortir toute la violence que j’avais dû canaliser contre lui, mais j’étais encore trop faible pour m’asseoir seulement sur le lit ! Il m’énervait à gesticuler et à parler à tort et à travers si vite que je ne comprenais rien. Je crois que je préférais l’hôte froid et distant, avec sa voix morne, que ce nouvel hôte qui cherche à imiter le singe (et encore, c’est une insulte pour le singe !).

            Après le singe, c’est l’ours qui entra. La famille était presque au complet, il ne manquait plus que les gorilles qui étaient venu me chercher le premier jour ! En me voyant, il m’a même souri, lui qui d’habitude est si sérieux ! En fait, dans l’histoire, il n’y avait que moi qui faisait la tête, pourtant, bonne nouvelle, je n’étais pas en enfer puisque l’ours n’avait aucune raison d’être mort ! Ca ne me faisait pourtant pas plus plaisir. Inutile de préciser donc que je ne lui ai pas rendu son sourire.

            Mon cas, même étant désespéré, ne m’était pas indifférent, et je demandai de mes nouvelles. Que m’était-il arrivé pour que je sois revenue ici ?

-« Vous avez voulu nous quitter trop précipitamment, et dans la précipitation, on ne fait jamais rien de bien. (Il aurait pu m’épargner ses sarcasmes, bien que j’en aurais fait de même si nos rôles avaient été échangés, on doit être des âmes sœurs) Vous avez brûlé toutes vos réserves de graisse (dis que je suis une baleine aussi, il a le chic pour trouver les mots qu’il faut lui) en voulant vous échapper sans avoir mangé assez avant. Votre cœur s’est vite trouvé sans nourriture pour vos jambes et vous avez défailli. C’est à peut près ce qu’a dit le docteur. Vous êtes restée cinq jours inconsciente. »

            Le docteur ? Parce qu’il y a aussi un médecin dans mon enlèvement ! On en apprend tous les jours ici ! Je ne comprenais pas cependant certaines choses.

-« Mais le sanglier ! Et le coup de feu ! ? »

            Il réfléchit longtemps. Comme quoi, il n’avait pas réponse à tout !

-« (Eh ben si…) C’était samedi. La chasse était ouverte. Cela explique le coup, probablement de fusil, que vous avez entendu. Quant au sanglier, vous avez dû en entr’apercevoir un et votre imagination à fait le reste. »

            Je le regardais soudain avec intérêt.

-« Mais vous-même, je vous ai touché !

-Si peu en vérité. Egratigné serait plus juste, et assommé. Vous avez frappé trop haut, mais j’aurais probablement un petit souvenir de vous jusqu’à la fin de ma vie. Vous m’avez surtout abattu avec votre poing, durant quelques minutes. J’étais déjà sur pied lorsque vous êtes passée par la fenêtre et j’ai bien failli vous rattraper avant que vous ne grimpiez à l’arbre. C’est le saut par dessus le mur qui m’a retardé…

-Voilà ce que c’est de trop manger avant de faire la course…

-Ce fou n’a même pas pensé à lui. Il a couru derrière vous et la plaie que vous lui avez faite s’ouvrait toujours plus. Quand je vous ai retrouvés, vous étiez dans les feuilles, d’ailleurs vous avez de la chance que la neige ne soit pas tombée avant, et il vous recouvrait de son sang, penché sur vous. »

J’avais oublié que l’ours était encore dans la pièce. Il dût se rappeler d’un rendez vous important, car il sortit tout de suite après. Mon hôte me montra sa cicatrice. Oh, il a bobo ! C’est vrai qu’elle était ridicule. C’était vraiment déprimant !

            Il se releva et me regarda dans les yeux. J’eus peur d’avoir pensé à haute voix.

-« Je vous dois quelques explication sur votre détention. Tout d’abord, vos vacances ici tirent à votre fin et nous allons devoir nous priver de votre compagnie… »

            Je pris peur ; si je n’étais pas morte, il venait de m’annoncer très clairement que je le serais bientôt.

-« Le but de ce séjour était de vous préserver de tout problème avec le cadet Eiserman, qui, nous le savons de source sûre, a pour objectif de vous faire taire du moyen le plus radical possible avant le procès de l’aîné. Le procès se déroulant demain, vous serez libre demain. C’est une grande chance que vous vous soyez réveillée aujourd’hui, et j’espère bien que demain vous serez à nouveau sur pied. »

            Je n’en croyais pas mes oreilles ! J’allais être libre et vivante ! J’avais établi de nombreux procédés d’évasion pour rien, et pire encore, qui risquaient de me livrer directement au loup, alors que j’aurais pu profiter de cette superbe maison si pleine de surprises. M’amuser, en clair. Pourquoi ne l’avait-il pas dit plus tôt, au lieu de me torturer l’esprit et me laisser me désespérer dans un coin. J’étais heureuse et en colère, contre cet homme, contre ce monde. J’avais l’impression d’être le fou d’une très mauvaise farce.

            -« Vous ne m’auriez pas cru, de toute manière, si je vous l’avais plus tôt. Vous auriez demandé à joindre vos proches. Et même si nous aurions refusé, vous y seriez peut-être parvenue et Eiserman aurait aussitôt pensé à moi. »

            Une question encore me trottait dans la tête :

-« Pourquoi ? »

            Son visage se durcit et il plissait les yeux, comme s’il se remémorait un mauvais souvenir. Il les rouvrit et me regarda d’une façon à nouveau distante, comme si un monde nous séparait.

-« Une affaire de famille qui ne vous regarde aucunement. On a tous des secrets lourds que l’on ne dévoile pas et celui là en fait partie. »

            Sur ce, il quitta la pièce, me laissant là avec mes soupçons.


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