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Gaya sur sa lune
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9 septembre 2008

Le roi de Mycènes : III

Dans cette partie il y a à nouveau une description de blessures physiques, en plus de celles, morales, évoquées tout au long de l'histoire.

          Je me réveille d’un sommeil sans rêve. Il ne pleut plus et la terre a déjà séché. Il fait encore nuit. Seuls mes vêtements sont encore humides. Je les enlève pour éviter de tomber malade.


Mon haut est collé au sang sec de mon dos. J’arrache mes croûtes en l’enlevant. La douleur est moindre et s’estompe rapidement. Je n’ai pas assez de force pour ôter mon pantalon.


Je retombe dans le sommeil.


Je me réveille sous les brûlures du soleil. Ma tête me fait mal, mon dos colle à la route de terre, mes mains et mes genoux s’enflamment, je suis courbaturé aux épaules. Je suis vivant et j’ai mal. C’est le signe que je vais bien !


Je décide de retourner au village : peut être y a-t-il des survivants. Je me mets à courir pour échapper au cuisant soleil, pour arriver plus vite et pour oublier la souffrance, la colère et la honte.


Je suis désolé, père, je n’ai pas pu, je n’ai pas réussi. Pardonne-moi, j’ai échoué, je ne suis pas un homme. Tu n’as pas à être fier de moi. Je suis un lâche et un incapable. J’aurais dû vaincre ou mourir ! Pardonne-moi maman, je n’ai pas su te protéger, je n’ai pas réussi à te sauver. Je ne suis pas venu à ton secours, c’est ma faute, pardonnez-moi ! J’aurais dû mourir comme un homme et non obéir comme un chien. Pardonnez-moi.


Je prie tous les grands dieux mais aucun ne me répond. Pas même le dieu des morts. Je suis seul, sans patrie, sans dieux, sans honneur et parjure. Je ne mérite ni la vie, ni la mort.


J’arrive enfin au village. Des ruines et des morts : voilà ce qui reste. Une odeur de mort et de chair brûlée plane. Je vomis. Je ne sais pas quoi mais ça sort en enflammant ma gorge. Je me sens vidé de l’intérieur, si faible.


Je me traîne parmi les morts jusqu’à la petite source du village. L’eau tinte aussi clairement que s’il ne s’était rien passé. Je m’asperge le visage puis le plonge entièrement dedans. Je me lave le dos, puis le corps tout entier.


En temps qu’homme, je dois donner des sépultures aux morts. Je les compte. J’ai un haut-le-cœur devant chaque cadavre, mais je n’ai plus rien à vomir.


Il manque une vingtaine de personnes en tout, dont ma mère, mais aussi mon grand-père. Il a probablement dû périr brûlé dans sa maison. Mais je suis un homme, je ne pleure pas... Où peut-être est-ce parce que je n'ai plus de larmes à donner... Les bébés sont entassés dans un coin, ravis et tués à leurs mères. Quel genre de monstres étaient donc ces mycéniens !


Je me trouvais le seul survivant de ces ruines, figure vivante la rage au cœur... Mais les dieux auraient dû choisir un autre vengeur !


Je pleure devant le cadavre de mon père, apparemment les larmes n'avaient pas toutes coulé. Je lui en veux de ne pas être resté avec moi, comme je m’en veux d’avoir failli à ma promesse. Je me détourne pour ne plus voir son visage creusé par la mort et pourtant serein. Ses yeux sont fermés, c’est mon seul réconfort. Il ne verra pas la honte qui s’abat sur sa famille.


En me retournant, je vois un grand bol d’olives renversé et les restes de viande qu’ont dû faire griller nos assaillants. Je me jette dessus. J’ai tant faim que je ne prends pas la peine de cracher les noyaux. Je m’endors sur ce repas.


Je me réveille. C’est probablement le lendemain. Il y a une véritable invasion de mouches. Les corps et la viande en sont recouverts.


Je vomis encore et fuis dans la forêt.


J’ai faim. Je me souviens d’un endroit où j’allais cueillir des mûres avec mon grand-père : j’y vais.


Je m’écroule à nouveau. Des mouches partout. Elles se posent sur moi. Je me débats, mais elles reviennent à l’attaque et me mangent vivant. Deux d’entre elles grossissent et se transforment en deux yeux bleus pâles.


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